Lil Boy Peep

16 janvier 2018

Lil Peep est mort, ça fait un peu plus de trois mois que Lil Peep est mort. Il avait 21 ans et il allait changer la musique pour toujours. On devra se contenter d'une esquisse. C'est ça qu'il a laissé. Une esquisse pour une musique future, une musique qui se construit en ce moment même, quelque part sur la côte Est des états-unis. Dans un climat brumeux, pluvieux et froid, les rappeurs soundcloud enregistrent dans des home studios monté à l'arrache dans le grenier de leur parents ou d'un copain. Les premières stars de ce mouvement sont en train d'émerger. On pense à Lil Xan, Ugly God, et bien évidemment Post Malone.

Quand Lil Peep est mort d'une overdose de Xanax, il commençait à se faire connaitre dans le monde entier. Je l'avais découvert depuis deux semaines et j'étais scotché, je l'écoutais en boucle. Ça m'a fait beaucoup de peine d'aprendre sa mort. Si jeune. Si beau. Si triste. Quelques heures avant d'être découvert sans vie dans le tour bus, il avait posté une photo sur Insta de quelques pillules de Xanax.

Tout le monde ou presque se moquait de Lil Peep, un gringo gringalet qui faisait du emo rap avec de long cheveux noirs et roses, éxagérement féminin et sensible, prônant la drogue et le sexe sans vergogne, explorant dans ses textes la solitude de l'artiste et les pulsions de suicide. Mais les cons ne voyaient pas ça. Ils voyait un jeune crétin tatoué de partout qui faisait une crise. Ils avaient raison, c'est ça le pire. À 21 ans on est con. Tout le monde est con, et personne ne l'est, depuis toujours.

Cette vague guitare qui vient de loin, comme un enregistrement de démo. des nappes de synthé venus du cloud rap, et ces percussions en boite à rythme. Ce rap qui n'était pas du rap. Lil Peep chantait, il ne rappait pas. Il était de la scène rap, c'est sur, mais il n'était pas un rappeur. Il était un chanteur de cold wave, un chanteur de grunge, un chanteur de new wave, avec des influences de rap. Ses influences allaient de Modest Mouse à Lil Wayne.

On le comparait à Kurt Cobain. Sa musique me faisait penser à la musique de The Cure, froide, lointaine et triste.

Lil peep cultivait une image très singulière. Son physique même était étrange, un grand garçon longiligne au sourire d'ange et aux traits féminins, manteau de fourrure, fringues Gucci oversized, face tattoos. Comme une icône de mode trash, un punk des années 80. J'aurais aimé qu'un autre rappeur soundcloud meure à sa place. C'est dégueulasse je sais. Mais si Lil Xan avait pu prendre celle ci pour l'équipe... Sans doute que j'aurais écrot un article de ce genre. La mort d'un artiste, alors qu'il s'apprète à exploser, alors que tous les compteurs s'emballent, alors qu'il a vingt ans, c'est toujours triste non ?

Awful things est sa chanson la plus connue. C'est grâce à elle qu'il a commencé à être vu. C'est à ce moment que les gens se sont éveillés à Lil Peep. On commençait à parler d'emo rap. Cette guitare électrique toute simple, ce chant torturé et suicidaire. Une fraicheur dans la tristesse. C'était nouveau, et plein de potentiel. Lil Peep était plein de potentiel.

À mesure que j'écoute ses chansons et que je regarde ses clips, je réalise à quel point ce petit garçon perdu dansait Amy au début d'un de ses clips a plongé son regard dans le mien et j'ai compris que ça ne pouvait que se terminer ainsi. La drogue, l'alcool, les poussées suicidaires le rongeait de partout. Un ultrasensible de ce calibre peut sublimer, un temps, le mal en lui, mais tôt ou tard le combat finira et il est mort maintenant. Lil peep est mort. Il nous reste ce chef d'oeuvre absolu. Le seul vrai chef d'oeuvre de sa carrière, trop courte. Tout le reste était des esquisses, qui ne seront jamais réalisées, par lui en tout cas. Mais cette chanson, Benz truck. Ça, c'était lui de bout en bout. Ce riff de guitare, en forme de coup de poignard ou de seringue d'héro, ce flow désincarné et flegmatique. Ça, ce n'est pas du potentiel, ça, c'est une réalisation, ça c'est un chef d'oeuvre.