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Pollo Mundo
19 janvier 2018

Cinq est le numéro parfait

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 Quelle différence entre la bonne et la mauvaise chanson française ? Ce n'est pas une tentative de refaire le sketch des inconnus, c'est une vraie question, et elle n'est pas évidente, dans un millieu où tant de merdes fleurissent à coté de quelques grandes oeuvres que j'espère voir passer le test du temps. Déterminer le bon du mauvais est une entreprise vouée à l'échec dans les Arts. Si l'on aimerait pouvoir s'élever jusqu'à une parole universalisante, on sait, depuis Kant, que c'est in fine, impossible. 

Alors pourquoi parler d'Art ? Et surtout, pourquoi parler d'un genre qu'on peut qualfier de moribond, dépassé depuis un bout de temps par le hip hop et la pop? Je n'ai pas la réponse. J'avais envie de réécouter de la chanson à texte après m'être laissé emporter par le très joli Delerm, cru 2016. Alors j'ai fait ce que je fais le mieux sur Internet, j'ai chiné sur Deezer et Youtube. Deezer est bien la plateforme de Streaming la plus sympa que je connaisse, après tant de temps à l'utliser gratuitement avec Adblock, il ne fait que me mettre un encadré sur la page d'accueil, que je peux tout-à-fait ignorer avant de flâner dans le millier d'albums que j'ai enregistré dans ma playslist.

Avec plus de mille albums en attente, il s'agit d'avoir un système de sélection efficace. Pour moi, je n'ai jamais trouvé mieux que le Plouf Plouf, que nous utilisions en cours de récré pour déterminer qui commencera à jouer aux billes, qui sera le chat, etc. Je suis tombé sur Avalanche, le dernier album en date de la Maison Tellier. Je dois avouer que je n'étais pas bien chaud. J'avais soigneusement évité ce groupe depuis quelques années, de crainte de replonger dans mes gouts des années 2000, à base de Tryo et de Rue Ketanou. Le nom du groupe, l'esthétique, tout me faisait suspecter un cringe puissant. Mais bon : Plouf Plouf avait parlé ; dès lors, mes mains étaient liées.

Avalanche est le cinquième album de La Maison Tellier, un groupe de folk - country - chanson française. C'est, tout du long, très efficace. Le mot qui vient à l'esprit à l'écoute de ces chansons est : " de bonne facture" Les chansons sont bien menées. Une intro, deux trois couplets, des ponts, une ambiance cohérente et fluide. Les cuivres sont très bien utilisés, à contrario d'une certaine chanson française, qui semble mettre des instruments pour pouvoir dire qu'elle les a mis là. Un exemple frappant est "Quelqu'un d'autre", où les arrangements font la part belle à un cor maitrisé à la perfection.

Globalement, les arrangements sont très bien faits. Les réminiscences  folk/americana de la chanson Avalanche sont délicieuses, les influences, ici, du group Calexico, sont évidentes. On peut regretter le coté acoustique à toutes les sauces, qui donne un charme desuet qu'on aimera ou pas, selon les sensibilités. Pour moi, j'ai l'impression de voir un vieil ami qui n'a jamais changé. Je le revois avec un mélange de sympathie et d'agacement. 

Toujours cette insupportable manie, qui m'avait éloigné de la chanson à l'époque, de chanter un peu faux, comme si ça faisait roots ou authentique ou quelque chose comme ça. Ici ce n'est pas flagrant, mais enfin, c'est suffisant pour gâcher l'écoute quand le chanteur part dans les aigus. Quand on est aussi loin dans le milieu pro, on fait l'effort de prendre des cours de chant, sinon c'est insultant pour les mecs comme moi qui ont raté leur carrière. Ou alors on en fait un choix artistique et assumé, comme Delerm ou Biolay. Le chanteur, et c'est plus flagrant en live, n'est pas au niveau. On a l'autotune maintenant mec, utilise le. 

Les paroles décrivent, dans leur ensemble, les effets du temps qui passent. D'une beauté simple, philosophiquement, on est beaucoup plus proche d'un Brassens que d'un Gainsbourg ou d'un Brel. Je m'explique. Le domaine de Gainsbourg, c'est les Fleurs du Mal : la beauté du sale. Aujourd'hui, ses héritiers sont les rappeurs Vald ou encore Damso. Brel, de son côté, s'était fait pourfendeur de dragons imaginaires, sa musique est poignante, emportée. Ce n'est pas pour rien qu'on l'a comparé à Stromae. Brassens, en revanche, est un observateur attentif et calme de la vie. Sans éclats de voix, sans romantiser le mal, il décrit, sur un mode poétique, ce qu'il voit et imagine. La Maison Tellier s'inscrit dans cette héritage, toutes proportions gardées. "Même si il y a parfois des baisers au creux des bras, des sucs échangés, tout cela ne fait pas une vie." C'est beau, c'est banal, c'est vrai. 

Avec un ratio de chansons d'amour un peu élevé à mon goût, Avalanche ne manque pas de qualités et ne manque pas de défauts non plus. Je ne saurais insister sur la qualité des arrangements, c'est vraiment ce qui donne à l'album une légitimité musicale. La qualité des compositions est plus anecdotique. Elles sont sublimées par des arrangements inventifs et surprenants, comme ce riff très interpolien de la chanson En toute chose, ou ce côté gratteux, un peu Maxime le Forestier, pour Où sont les hommes. La typique chanson bof, sauvée de peu par la richesse des arrangements. Si les paroles ne sont pas toujours incroyables, ça reste très bien écrit, et agréable à l'oreille 23h59 suprend par des influences à la Gorillaz, période The plastic beach.

La voix du chanteur, selon les chansons, va de supportable à énervante. Ce n'est pas possible, en 2016, de continuer à se complaire dans ce demi-chant que la chanson française des années 2000 a véhiculé sans vergogne. Enfin, les cuivres, la rédemption absolue de l'album, qui devient mieux dès qu'on les entend. C'est tellement bien joué que j'ai été surpris et enchanté de les entendre arriver à chaque track. Ne serait-ce que pour eux, ça vaut le coup d'aller jeter une oreille à ce projet, que vous soyez auditeur ou pas de chanson française. 

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