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Pollo Mundo
23 janvier 2018

Trône - Le retour du Roi

 

booba-trone

"0.9 ils critiquaient mais ils ont tous saigné l'autotune."

Les références à 0.9 ne manquent pas sur le nouvel album de Booba. Références visuelles, comme le code couleur. Le rouge et le noir sont prédominants sur l'artwork de Trône, comme celui de son ancètre de 2009. Références lyricales, comme cette phrase, qui se trouve sur la chanson éponyme de l'album, ce qui, je pense, n'est pas un hasard. 

Un peu d'Histoire pour commencer. La carrière solo de Booba démarre en 2002 avec l'album temps mort, que nombre de gens considèrent encore aujourd'hui comme son meilleur opus. Il est vrai qu'on ne peut guère pousser la technique plus loin qu'il l'a fait sur cet album, qui a projeté Booba en fer de lance du  rap hardcore. Avec Panthéon et Ouest-side, il assoit sa suprémacie sur le game. En 2006, à l'époque de Ouest side, il est déjà couronné. Il n'a rien à craindre. Il n'a, au fond, qu'à continuer ce qu'il fait si bien. C'est alors que la carrière de Booba va prendre une toute autre direction. 2008, le fameux album 0,9 arrive dans les bacs. Les ventes sont bonnes, mais selon les standards de Booba, elles sont décevantes. Et pour cause. Booba vient de présenter à la France le rap sous Autotune. Encore embryonnaire aux états-unis, le choc est grand pour le public français. Une partie de son public va l'abandonner. Le Duc a rendu son trône. Il est repartit en guerre vers des territoires inexplorés. Les quatre albums suivants confirmeront, à chaque sortie, la puissance de feu d'un rappeur qui a acquis du métier. Cependant, il n'est plus le numéro 1 permanent. Le Rap, à partir de 2012, connait un essor démesuré en France. PLusieurs genres et sous-genres de rap existent avec du public pour chacun d'entre eux. Le trône du rap reste vacant. Tentative de suprémacie avortée du Seine Zoo Crew, qui ne verra que Nekfeu au sommet. En 2015 et 2016, alors que Booba sort régulièrement des albums qui marchent très bien, PNL, MHD, et SCH, trois groupes à trois lettres, sortent des projets acclamés par la critique et le public, dont les influences sont très clairement ce son lent, mélancolique, éthéré et autotuné que Booba a apporté en France en 2008, avec 0,9. Jul cartonne dans les bacs. Booba s'entoure d'alliés, en les personnes de Dosseh, Gato, puis, plus tard, des grands Damso et Niska. Il a laissé tous ces concurrents direct loin derrière lui. Sinik ne s'en sort pas, se plante à chaque nouveau projet. Diam's a raccroché les gants. Alpha, n'en parlons pas, tout le monde l'a oublié. Matt Pokorra , intelligent, a quitté le monde du Hip Hop. Quand aux deux gros poissons, Rohff et la Fouine, ils sont sur la pente déscendante. La fouine participe a des émissions de télé réalité pour arrondir les fins de mois, Rohff se ridiculise à chaque nouvelle sortie, quand à Kaaris, il mène sa barque, mais ne peut pas prétendre au crédit de Booba. Sa venue tardive dans le game le décrédibilie face à un artiste complet, avec plus de 20 ans de carrière dans les roues. Le combat est inégal, malgré quelques jabs de Kaaris bien sentis. 

En 2015, Booba a sorti coup sur coup deux albums.  D.U.C, qui à la première écoute, m'a semblé très mauvais. Trop d'Autotune, trop de thèmes cent fois abordés auparavant. Il m'a fallu plusieurs écoutes pour deviner les qualités cachées de cet album, les subtilités invisibles aux premières écoutes. Mes amis étaient tous assez partagés sur cet album. L'un était si furieux qu'il revendit ses places pour le concert au Zénith. Un autre l'écoutait en boucle. On sentait cependant que Booba arrivait au bout de sa logique de l'Autotune. Quelques mois plus tard, paraissait Nero Némésis, l'album le plus sombre de la carrière du Duc. 

Néro Némésis est  comme un prélude. Il surprend tout le monde. L'autotune a pratiquement disparu, excepté dans quelques morceaux, dont le somptueux 92i veyron. On retrouve le flow virtuose du Grey jedi qu'est Booba, le désormais général officiel : Gato, et le nouveau Sorcier du 92I, le grand Damso. C'est un album très violent, on a presque l'impression d'entendre Temps Mort par certains moments, dans la noirceur des beats. Au même moment, OKLM radio, Unküt, OKLMTV, s'étendent de plus en plus dans le mainstream, Booba donne des conférences à Harvard, il revient sur Skyrock et ses interviews sur le net dépassent le million de vues.

Booba est retourné dans l'Arène pour défendre son titre pendant 10 ans. Si 0,9  a marqué le début de l'Exil, Trône est bel et bien l'album du retour du Roi. Il n'était pas, loin s'en faut, devenu un simple rappeur. Il a, effectivement, mis à profit ses années où la concurrence devenait rude  pour batir d'autres choses. Il faut bien admettre que les années 2010 ont été extrêmement riches pour le Hip Hop, et qui va s'en plaindre? Mais il est vrai qu'avec des nouveaux venu comme SCH, PNL, Nekfeu, Lacrim, Dosseh, Damso, Lomepal, Ichon, et je pourrais continuer, certains disques de Booba auraient pu passer pour anecdotiques. Ce ne fut jamais le cas, mais ce ne fut jamais l'album de l'année, comme c'était le cas pour Temps Mort, Panthéon ou Ouest Side. 

Il a donc fait face à d'autres fronts, en attendant que l'arêne se vide. En quelque sorte, il a laissé le jeu du RAP se faire sans lui, attendant tranquillement  que ses adversaires s'entretuent. Il a monté d'autres affaires à côté. Sa marque de vetements Unküt n'a fait que monter, il a créé deux parfums, un whisky, une agence de mannagement de sportif, et surtout, son propre média multiformat. TV, Radio et net. Il pourrait arreter le rap maintenant. Il a assez d'argent. Mais Booba ne rappe pas pour l'argent. Sans doute qu'il l'a cru un temps. Mais cet album montre, admirablement, que ce qu'a toujours recherché Kopp dans son Art, c'est la force, la domination, c'est la soif de victoire. Booba est animé, plus que quiconque, par la volonté de puissance. L'art de la guerre est son terrain de jeu. C'est pour ça qu'il a rendu le trône qu'il occupait depuis Panthéon avec l'album 0,9. Trône, c'est le retour à Rome de l'Imperator, entouré de ses conseillers, de sa cours, de nouveaux alliés. Qui sait combien de temps avant qu'il reparte en campagne?

L'ouverture de l'Album est toujours significative chez Booba. Elle donnera le ton. Ici, la métaphore de l'empire romain est toute trouvée avec le titre "Centurion". Booba réalise son triomphe romain dans les règles de l'art. maniant un flow technique comme il sait le faire, et un autotune poussé à l'extrème, avec de la saturation qui n'est pas sans rappeler XXXTentacion il reprend à son compte une figure de gloire occidentale, à savoir celle de l'armée romaine, mais la pervertit juste un peu, par cette instru légèrement arabisante, montrant, à un degré de lecture plus élevé, à quel point l'Orient et l'Occident, dans le pire et le meilleur, dans la gloire et la misère, sont désormais liés. Booba, un français d'origine africaine extrêmement successful, affirme qu'il réunira le meilleur des deux mondes, sur le mode qui est le sien, la guerre, la domination et la soif de pouvoir. Le fait de prendre le meilleur des deux mondes s'applique également à sa carrière artistique. Combien de grands artistes n'ont jamais su sortir de chez eux, faute de savoir se vendre? Combien de grands entrepreneurs n'ont jamais décollé, faute d'imagination et de talent? Booba réunit deux figures de plus en plus poreuses l'une à l'autre, l'artiste et l'entrepreneur. Demandez à Brel ce qu'il pense d'un commerçant. Booba, lui, ne s'embarrasse de rien et il a bien raison. Il cherche le pouvoir et il l'obtient par l'art et les affaires, les deux enfants terribles de la révolution française. 

L'album se poursuit avec Friday, premier son clipé de l'album. Question forme, c'est du Booba des années 10 de bonnes facture, avec des nappes de sons electroniques, et un Booba autotuné qui assume de chanter depuis quelques années maintenant. C'est de temps dont il est question ici par ailleurs. "passe les gos, passent les euros, passent les années." La mélancolie de Kopp devant l'impermanence, source de sa force. Comme dans 92iveyron, c'est aussi de solitude qu'il parle. Il n'a pas confiance en les hommes, et il n'a pas d'amour envers les femmes. La musique est très triste, comme souvent. Booba est fier de sa force, de sa facilité et de son empire, mais on sent une tristesse innéfable, qui persiste en lui depuis Panthéon, qui traverse toute son oeuvre.

L'album continue sur des thèmes familiers de l'oeuvre de Booba. La volonté de puissance et de gloire, l'argent, les femmes, son incapacité à aimer, et la tristesse qui l'accompagne. je pourrais analyser chaque chanson une à une, mais je vais me réserver. 

Quoi qu'il en soi, le duc est revenu sur le trône. Les recettes qui à l'époque de 0.9 n'avaient pas fonctionnées, tous les rappeurs  les utilisent. Booba, depuis tout ce temps, était bien dans le turfu. Mais, aujourd'hui, je remarque qu'il est revenu dans le présent. Après avoir abandonné le trône qu'il occupait depuis Panthéon, après, depuis 0.9 jusqu'à Nero Nemesis, erré dans cette étrange contrée appelée futur, Le voila de retour. Il a laissé derrière lui ses ennemis et ses amis. 20 ans de carrière dans le rap et Booba est profondément changé. Il est toujours régal et guerrier, comme il entend le montrer dans son armure noire, ceint d'une couronne argentée (on peut noter au passage la virtuosité à maitriser la symbolique qu'il met en place depuis des années), mais il n'est plus ce jeune chien fou de Mauvais oeil qu'Ali temporisait. Il s'est assagit, en ce sens qu'il a acquis de la sagesse. Il revient de campagne avec de nouveaux alliés. Ceux qu'il a lui-même aidé à monter, comme Damso - Et on ressent clairement une énorme différence dans le traitement qu'il réserve à ses protégés. Dans le passé, on avait 40000 Gang, pur produit commercial, Shay, qui n'a jamais vraiment dépassé son ombre, Mala, pareil, et enfin, et sur tout, kaaris. Ouvrons une parenthèse. 

Booba n'avait pas la maturité nécéssaire, à l'époque de son feat avec Kaaris, pour supporter, d'une part la puisssance de son couplet dans Kalash, bien meilleur que le sien, et sa soudaine notoriété. C'était comme si il s'en voulait d'avoir mis au monde un rival. S'ensuivit une animosité bien connue du rap, avec Booba, rappelant àqui voulait l'entendre que Kaaris restait un bébé par rapport à lui, que son règne, fut, est et restera sans partage, et Kaaris,voulant bien légitimement sa part du gateau, après quinze ans de galère dans un milieu pas forcément tendre, ni envers le succès, ni envers l'échec. Le Kopp, à l'époque, ne voulait pas qu'on lui fasse de l'ombre.

Booba a bien changé depuis. En hissant au sommet un artiste d'une envergure immense, il se place, enfin, en véritable Roi, tel, du moins, qu'il a toujours voulu paraitre. un despote règne pour lui même. Un Roi prépare la suite. Un Roi prend place dans une continuité. Il prépare la relève. On sent cette évolution depuis l'album nero Nemesis, ou il invitait de vieilles gloires du rap et de nouveaux petits génies du Hip Hop (on pense ici à Kalash et Damso). Booba a enfin conjuré cette faiblesse de ne pas se faire suffisament confiance face aux autres (un thème extrêmement récurrent dans son oeuvre étant l'incapacité de faire confiance aux autres, ce qui est, in fine, une question de confiance en soi, ceci étant en rapport avec le fait que symboliquement, dans  son oeuvre, une grande force va de pair avec une grande solitude.)

Booba revient sur Rome avec son armée. Le fidèle général Gato à sa droite, le sorcier Damso à sa gauche, et derrière lui, les alliés d'hier et de demain. Niska en wild card super crédible, qui, le temps d'une chanson, lui prête sa force démesurée, et Kalash, au loin sur une colline, qui attends que la bataille commence pour se joindre au combat. Et ça marche. Tout le monde, encore, a les yeux fixés sur Booba. Ses ennemis, ses amis, ses détracteurs comme ses admirateurs, parmis lesquels je me range assurément, bien que l'animal ait toujours été hostile non seulement à ses ennemis mais aussi à ses admirateurs (voir les quelques piques qu'il envoie parfois à Biolay, qui réfléchira deux fois avant d'affirmer haut et fort qu'il admire ses textes.)

le Roi est de retour, et il reprends son trône. Dix ans de campagne, c'est long. Aussi long que la guerre des gaules qu'a mené Jules César pour pouvoir prétendre au statut d'imperator. Pensiez-vous vraiment que le choix de Centurion comme premier titre soit un hasard ? Durant tout l'album, les parallèles opérés avec l'armée romaine, les rappels à 0.9, tout concorde. Avec cet album, le rubicon est franchi. D'aucuns pensent que Booba est en fin de règne, ils se trompent. 

Son règne commence.

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G
Ma définition avec des textes à prendre à 1 degré 5
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