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Pollo Mundo
22 février 2018

Manhunt : Unabomber - Figures de l'obéissance.

Manhunt_Unabomber

La série Manhunt : Unabomber est une plongée dans les deux dernières années de traque de Ted Kaczinsky, le terroriste américain surnommé "Unabomber". Celui-ci a échappé au FBI pendant dix-sept ans. Nous assistons à la découverte de la "forensic linguistic", découverte du profiler Jim Fitzgerald, qui consista à trouver dans le manifeste du terroriste des tics de langage et d'écriture, ce qui permettra à David Kaczinsky, le propre frère du terroriste, de l'indentifier comme tel. 

Manhunt : Unabomber est un petit bijou. Tout est réussi. Les acteurs principaux sont fantastiques. Le jeu de Sam Worthington, tout en tension et en frustration rentrée, tient son audience du début à la fin de la série, Paul Bethanny est mystique dans son interprétation d'un malade mental surdoué. La réalisation, non contente de dérouler sous nos yeux un palpitant morceau d'Histoire, colle au caractère de ses personnages, nerveuse et en tension pour Fitz, Lente et tournouyante pour Ted, tranquillement installé dans une folie qu'il peut justifier philosophiquement, et qui ne lui pose donc aucun problème. La somptueuse scène de lui dansant dans les bois nous montre, par l'action combiné du jeu d'acteur et des mouvements de caméra, un personnage en  paix avec lui-même, et nous montre en même temps, par les tournoiements qu'opère la caméra et l'étrange physicalité de Bettany, que ce personnage est fou. 

La narration nous emmène d'un coin à l'autre du temps, prenant place entre 1993 et 1997, allant et venant entre ces deux dates. La première fois que nous rencontrons Jim, le personnage principal, est en 1997, la première fois que nous rencontrons Unabomber, c'est en 1993, brievement, alors qu'il envoie un colis piégé. 

Bien des thèmes sont explorés dans la série. Nous pourrions parler, evidemment, de la technologie, de ses abus et de la relation ambivalente de maître à esclave que nous avons envers elle, le maître et l'esclave n'étant pas toujours celui ou celle qu'on croit. Cette dialectique du maître et de l'esclave est en réalité un reflet du thème central de la série. Manhunt : Unabomber, est une série sur l'obéissance, sa nécéssité, ses limites, et le danger inhérent qu'elle comporte. L'arme du terroriste n'est pas une bombe, c'est l'obéissance intuitive de sa victime, qui ouvrira le colis piégé, parce que c'est ce qu'on fait. C'est l'obéissance du facteur qui ramasse le courrier, parce que c'est ce qu'il fait. C'est toute une chaîne d'obeissance mise en place, qui permet à l'Unabomber de perpétrer ses crimes. C'est donc un show sur l'obéissance que nous regardons, sur ses implications dans nos vies, et chaque personnage représente une facette de cette notion (great writting right there). C'est pourquoi j'ai choisi, dans cette analyse, de me concentrer sur quelques personnages centraux à l'histoire.  Chacun d'entre eux entretient un rapport spécifique à la notion sus-citée, qui nous permet, à la fin de la série, d'engrenger une réflexion éclairée sur l'obéissance, et comment elle régit nos vies, consciemment ou non. Une véritable réflexion philosophique, psychologique et politique.

Theodore Kaczynski

Ted Kaczynski représente la désobéisance constante et absolue. Il a compris que tout apport technologique entre les hommes augmentaient la puissance des rapports de pouvoirs qu'ils entretiennent entre eux, mais également, à un niveau plus profond, le pouvoir de la technologie sur l'humanité. Il en a tiré la leçon radicale que plus les hommes utiliseront la technologies, plus ils  deviendront esclaves. Il vit lui-même dans la forêt, sans eau, sans électricité. Ce mode de vie lui permet de n'avoir à obéir à rien ni personne. L'Unabomber considère que tout forme d'obéissance est une tendance mortifère. La toute première scène de la série nous montre le chemin d'un colis piégé, en toute tranquilité, de sa conception à son explosion, chacune des étapes étant remplie par un homme ou une femme qui a obéi à cette étape. La personne qui a reçu le courrier a, tout naturellement, obéi à l'injonction tacite qui est de l'ouvrir. Comme nous le dit Ted : "Il est impensable que vous n'obéissiez pas." À cette obéisance absolue que nous pratiquons tous sans nous en rendre compte, L'Unabomber réplique par la désobéissance sociale la plus radicale qui soit : La violence. C'est d'ailleurs là où on le perd.

Il franchi cette limite, de placer son idée au dessus de la vie humaine. Son ampathie pour l'humanité existe, mais uniquement sous la forme intellectualisée de son combat contre la technologie. Il ne fait strictement aucun des vies volés au service de sa grande oeuvre. Il oeuvre, n'en doutons pas, pour le bien de l'humanité, mais sa rebellion est si absolue qu'elle va jusqu'à désobéir au droit à la vie humaine, au biblique "Tu ne tueras point". Là ou le bas blesse, c'est que pour radical qu'il soit, l'Unabomber est en réalité un hypocrite. Ce n'est pas contre la technologie qu'il en a, pas vraiment. La technologie n'est rien d'autre qu'un médium pour les rapports de pouvoir. Il en a envers le pouvoir et l'obéissance qu'il suppose. Theodore Kaczynski est, dans le sens le plus pur du terme, un anarchiste. Il ne veut obéir qu'à lui-même. Avec ou sans la technologie, il vivrait perclu dans une cabane en forêt et formenterait des attentats pour affaiblir le pouvoir.

Ce que veut Unabomber, c'est tuer le pouvoir, que personne n'obéisse plus à personne, que personne ne commande plus à personne. Une liberté totale. Est-ce que sa vision du monde est possible? C'est une question à laquelle je ne répondrai pas cic, car elle mérite toute une discussion à part, mais la raison pour laquelle, dans la série, Theodore Kaczynsky nous attire et nous révulse à la fois, est sa croyance absolue en ses idées, et son remarquable instinct de survie. Loin d'être un idiot sans coeur, il est méticuleux, soigneux et intelligent, et la série couple ce portrait par des sentiments sincères envers les gens qui lui sont proches, par des regrets envers ceux qu'il a connu et laissé tomber. Il éprouve également des regrets devant la vie qu'il a vécu, devant son héritage. Regrets qu'il refoule rapidement pour maintenir sa cohérence intérieure, montrant qu'en dernière instance, lui aussi obéit à des forces qu'il ne contrôle pas, fussent-t'elles à l'intérieur de lui, fussent-elles inconscientes.

Henry Murray

Henry Murray est un professeur de psychologie enseignant à Harvard. Il participe pour la C.I.A au programme MK ULTRA, un programme secret consistant à réaliser des expériences de lavage de cerveau en vue de retourner les espions soviétiques. Il sera, pendant trois ans, le confident amical, puis le tortionaire de Ted Kaczynski, renforçant en lui une haine de la technologie déjà présente depuis son jeune âge, et lui insuflant ainsi une méfiance brutale envers toute forme d'autorité et d'obéissance, et pour cause. Henry Murray représente dans cette série le bras armé du pouvoir, et de fait, le pouvoir lui-même, s'exerçant indiférement sur n'importe qui, fagocitant l'espoir et la jeunesse. Il est à la fois les dehors du pouvoir et sa face horrible, mosntrueuse, cachée. En tant que professeur à Harvard, il est éminément respecté, constament entouré d'une cours d'étudiants  prêts à la moindre de ses injonctions. Quand il parle, on l'écoute, quand il commande, on l'obéit, et plus encore, on lui obéit instinctivement, il n'a pas besoin de faire appel à son pouvoir pour l'exercer. Autour de lui, les personnages son soummis à une sorte d'obéissance intériorisée. C'est lui qui sangle le jeune Ted à sa chaise, c'est lui qui le brime, c'est lui qui commande dans la pièce. Le seul moment ou il se montre embarrassée, est quand Ted le surprend en pleine discussion avec deux agents, montrant ainsi que même un agent du pouvoir obéit à quelqu'un. Le pouvoir est une chaine d'obéissance sans fin. 

Stan Cole

"All that is expected of you is Obedience"

Stan Cole est un pur produit de la police. Il ne croit qu'en des preuves solides et ne fait pas confiance à la psychologie, il est également le personnage au rapport le plus rigide à l'obéissance. Dans son petit monde, Il n'y a que le commandement et l'obéissance. L'un étant le pendant de l'autre. Si la police, qui est l'alpha et l'omega de la psychologie de Cole (du moins, dans le temps que nous le voyons, c'est-à-dire, uniquement en situation professionelle). Son rapport à l'obéissance fait de lui un être à la fois rigide, qui peut laisser passer de bonnes occasion par son respect de la hiérarchie, et paraitre autoritaire aux autres. Il s'en moque. Il ne veut pas se faire aimer, il veut se faire obéir. Et il n'a aucun mal à obéir lui-même. En dépit de ce rapport à l'obéissance, peut-être même grâce à lui, il est fréquemment indiqué que Cole est un bon flic. Il garde la tête froide durant toute la série, bien plus que Fitz, qui  est souvent perturbé dans ses rapports avec Cole, ceci venant du fait que Cole a une vision du monde simple et assuré, alors que Fitz n'est sur de rien. Dès lors, Cole a l'avantage indéniable d'être, vulgairement, bien dans ses baskets. Stan Cole jouit, par son obéissance, d'une absence de reflexion sur lui-même et sur les autres. Le monde est simple pour lui. En revanche, on peut clairement percevoir que cet homme est le bras armé du pouvoir. Sans animosité pour vous , il vous traquera sans merci si un supérieur le lui ordonne, et lancera sur vous une armada de subordonnés. Stan Cole est parfois sympathique, et souvent antipathique, malgré son absence d'animosité réelle, car on préssent l'intrinsèque violence de sa philosophie, qui peut sembler quelque peut inofensive dans une démocratie en paix, mais qui, dans un état fasciste, serait du plus grand danger.

David Kaczynski

Le frère de l'unabomber n'apparait que tardivement dans l'histoire. Il semble être un homme tout-à-fait ordinaire, quand sa femme lui dit que le manifeste posté par le terroriste est très proche des théories de son frère, il est très hésitant avant de contacter une personne représentant l'autorité. De manière générale, le frère de Theodore Kaczinski a lui aussi une méfiance naturelle envers l'autorité. Lorsque Jim Fitzgerald se rends chez lui (désobéissant ainsi à sa hiérarchie) sa stature d'agent du FBI, qui pousserait beaucoup de monde à obéir instinctivement, (et l'obéissance instinctive est le grand thème de la série, celui auquel sont soumis d'une manière ou d'une autre, tous les personnages, ou du moins doivent y faire face) lui exige des explications, et refuse de l'écouter avant qu'il lui ai présenté un cas convainquant. L'unifiorme et le badge, qui suffisent habituellement à se faire obéir de tous, sont insuffisants pour le frère de Ted, qui, s'il n'est pas foncièrement anti-autorité comme peut l'être son frère, n'obéira pas à n'importe qui n'importe comment. Quelque par, David kaczinsky est le personnage dont le rapport à l'obéissance est le plus équilibré. Il est résistant à l'obéissance, mais pas complètement aliéné à l'idée. On ne le voit pas, à l'instar de fitz ou de Ted, tiquer devant l'idée d'obéir à un feu rouge. Quelque part, il a, comme tout le monde, intégré qu'il y a des situations qui recquièrent l'obéissance, pour le bien de la civilisation. Ou du moins, sa bonne marche. Tout comme parfois, pour maintenir la civilisation, ou sa bonne marche, la désobéisssance est nécéssaire. 

Jim Fitzgerald

Jim Fitzgerakd, ou "Fitz", est l'agent qui attrapera et amenera Unabomber à plaider coupable. C'est un profiler du FBI et ancien flic. Il est, au début de l'histoire, un représentant de l'autorité, il l'a toujours été. Bien qu'ayant un rapport délicat avec l'obéissance. en effet, on apprends dès le début que si il a été assigné toute sa carrière de flic à la brigade anti-grafiti, c'est parce qu'il avait refusé de faire sauter l'amende d'un ami du commissaire. Fitz n'aime pas obéir, et n'aime pas être dans une situation ou l'obéissance est attendue et logique. On peut le constater dès le début de la série, qui le montre subtilement dans une de ses premières scènes. Celle ou il fête sa réussite en compagnie "d'amis" que nous en reverrons plus après cette scène. Il semble mal à l'aise et a visiblement envie de partir, mais les convenances exigent qu'il reste la et écoute le discours de sa femme. Ce qu'il fait, non sans aggacement.  Il finira par vivre reclus, avant d'être rappelé, non sans reserve, à la civilisation par sa hiérarchie. La première scène de Fitz se déroule dans la nature. Il est seul, barbu, il tient deux lapins qu'il a manifestement tué lui-même. Il semble vivre de la même manière qu'Unabomber, comme si il avait épousé ses théories.

 Jim, dès le début de la série, a beaucoup de mal à obéir aux ordres de ses supérieurs. Il a le sentiment de ne pas être suffisament pris au serieux. Son voyage intérieur sera le plus marquant, c'est pour cela qu'il est au centre de l'Histoire. Dans la première partie, celle de l'enquète, avant la découverte du chalet. Il est très tendu, nottament, dans ses rapports avec Stan Cole, qui représente bien sur l'opposition absolue à son mode de pensée. La méthode de Fitz repose sur l'inventivité, la spéculation, et l'enthousiasme. On peut le voir, extrêmement émotif lorsqu'il débat avec Stan Cole, qui, lui, raisonne de manière beaucoup plus empirique, beaucoup plus froide. Cole regarde les preuves matérielles : ce qu'il y a. Fitz fera des avancées dans l'enquète en étudiant, justement, ce qu'il n'y a pas. Ce dont l'Unabomber ne parle pas.

Jim a moins la tête sur les épaules et c'est ce qui le rapproche de l'Unabomber, c'est aussi ce qui lui permet de chasser des théories qui se réveleront exactes. C'est en s'identifiant totalement à l'unabomber qu'il s'en rapproche, et il s'identifie à lui grâce, ou à cause, du mépris de sa hiérarchie envers lui. En s'identifiant, il découvre les idiolectes de Ted, sa manière spécifique de s'exprimer, mais cette plongée dans la psyché du terroriste n'est pas sans conséquences pour Jim. Il partage en effet des traits de personalité avec l'Unabomber. Il a une grande fierté envers son intelligence et un grand sens de son individualité. Ceci, couplé avec un narcissisme quasiment pathologique, lui rend, peu à peu, insuportable la pression de la société à obéir en toute cisconstance. Le déclic, pour Fitz, se déroule à un feu rouge, dans une route déserte, la nuit. Il s'arrête à ce feu rouge alors que personne ne le voit, alors que personne n'arrive. Il réalise alors qu'il a passé sa vie à obéir à toutes sortes de règles implicites. Dès lors, la graine était planté. Mais le voyage intérieur de Fitz n'était pas fini pour autant.  

Après une dépression nerveuse, après que sa femme et ses enfants l'ai quitté pour être trop obsédé par l'enquète, nous le retrouvons, au début de la série ( qui joue intelligemment avec la temporalité) vivant seul, hirsute et hostile aux autres. Interroger l'Unabomber et réaliser la nature manipulatrice de ce dernier, ainsi que l'influence bénéfique de Nathalie Rogers, la linguiste qui lui apporte son soutien, va le ramener à la civilisation, et lui faire accepter la nécéssité, pour une société fonctionelle, de situations ou l'obéissance est nécéssaire, même tacite. Le dernier plan est un rappel ironique et judicieux à la scène du feu rouge. Fitz regarde le feu, et semble penser à quelque chose. Nous ne savons pas si il décide de brûler le feu ou pas, mais nous savons, à son regard, qu'il vit cette expérience sous une nouvelle lumière. 

Conclusion

Manhunt est une très bonne série, et ce pour une raison précise : son histoire (qu'elle soit réelle ou non n'a pas tellement de rapport avec ce qui suit) sert une véritable réflexion, et chaque personnage, chaque scène, chaque ligne de dialogue, est sous-tendue par cette réflexion. Le show nous montre à quel point Nombres de situations exigent notre obéissance, obéissance que nous donnons sans même y penser. Il ne s'agit pas de contester chacune de ces situations, mais il s'agit de les remarquer et de les comprendre. Il est des moments ou peut-être, notre capacité à désobéir sera importante. Il y en a eu dans le passé. Le fait que le personnage qui ressent le plus intimement ce conflit entre obéissance et volonté individuelle soit un agent du FBI, habitué à commander et à obéir, donne une autre dimension, plus profonde et plus forte, à cette réflexion. 

On peut voir cette série pour la réalisation, le son et la musique, les acteur ou le scénario, qui est une véritable leçon d'écriture. On peut, on doit, on va aussi le voir pour les longues réflexions qu'il distille dans l'esprit du téléspectateur. C'est tellement rare une série qui fait vraiment réfléchir, et tellement agréable. Manhunt : Unabomber est une grande série car elle met au défi notre façon de voir les choses, tant dans la sociiété, qu'en nous-même. Elle est un exemple éclatant du mentir-vrai, marque des grandes oeuvres qui utilisent une histoire romancée pour nous faire découvrir des vérités à propos de nous-même, pour réfléchir, et, en dernière instance, évoluer. 

 

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