Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Pollo Mundo
25 avril 2018

Le piège de la démocratie représentative

9782221199374ORI

Matthieu Niango est un ancien élève de Normale Sup, agrégé de philosophie, et ancien conseiller politique, trainant ses guètres dans les cabinets ministériels. autant vous dire que sur le papier, il n'a rien pour plaire. Mais il s'est racheté, en 2017, avec la publication d'un petit essai politique, concis dans sa forme, précis dans ses idées, et qui déploie, de manière simple et exigeante, une pensée politique pas tout-à-fait neuve dans ses fondements philosophiques (voire, on le verra, très ancienne) mais s'exprimant de manière jeune et dynamique dans notre société, en proie à une crise de plus en plus claire du Politique. Crise ou renouvellement ? On peut aussi arguer que le Politique ne s'est jamais aussi bien porté. Partout, le débat public sur des questions de société fondamentale se fait entendre. Alors certes, il se joue dans des tensions énormes, entre le gouvernement, qui refuse toute opposition à son PROJEEEEEEEEEET, la vraie gauche, qui multiplie les tentatives de changement de société, entre l'occupation de Notre-Dame des landes, nuit debout, les horribles ateliers en non-mixités de la fac, et une droite dure nationaliste qui se porte très bien, avec des stars du web, des actions coups de poing (littéralement) envers les fac bloquées, et tout un tas de gens qui voudrait qu'on revienne, enfin, à un ordre autoritaire et chrétien, pour sauver la France de la décadence dans laquelle elle s'est fourrée en emboitant le pas de l'Europe multiculturelle. De son coté, ne comprenant pas que le monde politique a changé, Laurent Vaulquiez, en tête de file des dinosaures du vieux monde, se ridiculise un peu plus à chaque plateau télé, montrant qu'il ne maitrise pas les codes de ce nouveau paradigme, qu'il est coincé dans un fantasme de représentation qui ne fait plus illusion sur personne. Aujourd'hui, de l'extrême gauche à l'extrême droite, les gens veulent faire la démocratie, et non plus choisir une fois tous les cinq ans leur roi. C'est ce problème que La démocratie sans maîtres entend traiter. Matthieu Niango, fort de sa solide formation culturelle et philosophique, ainsi que de sa longue expérience de la realpolitik au sein des cabinets, nous donne, dans ce petit livre, quelques pistes. Pour déconstruire la démocratie représentative, d'abord, et pour construire, peut-être, une autre démocratie, une démocratie à l'image du peuple et non de ses élus. 

Nos gouvernants ne nous représentent pas

Au fond, si Laurent Vaulquiez peut sans honte se pavaner sur toutes les chaines de télé, arrosant les journalistes de faciales réthoriques, c'est bien qu'il s'en croit, qu'il s'en sait capable, c'est bien qu'il participe à un système qui a fait ses preuves. Ce système, c'est ce qu'on appelle la démocratie représentative. Dans une démocratie populaire réelle, toutes les décisions politiques devraient être prises par les citoyens. Hors, notre système fonctionne autrement. Nous donnons créance à quelques personnes élues, pour porter un projet de société auquel nous avons adhéré. Sur le papier, c'est ce qu'il se passe. Hors, depuis quelques années, nous réalisons que les politiciens sont bien plutôt des professionnels, soucieux de sécuriser une carrière very much lucrative, que des hommes honnêtes, désireux de porter les voix de leur cocitoyens. De plus, les décisions prises aux plus hautes instances de l'état suivent en réalité des directives européennes, elles-même motivés le plus souvent par du lobbyisme d'entreprise. Les tensions de plus en plus grandes dans le pays, à chaque nouvelles tentative de libéralisation du marché du travail, en témoignent. Le désamour se creuse entre le peuple et ses élus.  2016, Loi travail, le gouvernement passe son projet de loi grâce au désormais tristement célèbre article 49,3 de la constitution, forçant presque les députés (presque, parce qu'une motion de censure pouvait être déposée) et tout le peuple français, à adopter contre son gré une loi dont il ne voulait pas. Les gouvernants ne représentent pas le peuple. Non, ils représentent les gouvernants. 

Nos gouvernants ne sont pas plus sages que nous

Lorsqu'Emmanuel Macron prononce un discours, ou débat avec un journaliste, un politique, ou un simple citoyen, il faut bien comprendre que ce n'est pas Macron qui s'exprime. C'est également, avec lui, derrière lui, une cohorte de conseillers qui ont compilé tout ce qu'il y avait à savoir sur un sujet donné, anticipé les questions et les réponses qui peuvent advenir dans le débat. L'argument principal de la démocratie représentative est qu'il faut, jsutement, laisser la place aux professionnels sur les sujets que seuls eux peuvent comprendre. Elle reprends ainsi un vieil argument dévellopé par Platon, donnant pour exemple qu'on irait pas voir un médecin pour des conseils sur la navigation et inversement. Cet argument vaut encore parmi les cercles qui ne veulent pas de la démocratie participative. Il est dangereux, voire suicidaire, de confier les rennes du politique à ces imbéciles de citoyens. C'est un mépris de classe qui se joue. De quel droit les couches populaires devraient-elles prendre en main le destin de leur nation ? Elles n'ont même pas fait Science-Po ! En réalité, il faut se souvenir que les politiques n'en savent pas plus que vous et moi sur les sujets dont ils parlent. Ils ont juste des armées de conseillers qui les aident. Ces conseillers, personne ne les voit jamais. C'est pour cela que vous avez l'impression que ce monsieur Macron qui, à la télé, passe allègrement d'un sujet  à l'autre, donnant un avis d'expert sur chacun d'entre eux, est bien plus intelligent que vous, et de fait plus compétent à gouverner. Macron est peut-être plus intelligent que vous et moi, mais il n'en sait certainement pas plus que nous sur tous les sujets, il est juste bien entouré.

La démocratie réelle

La démocratie traverse aujourd'hui une crise profonde. Peut-être est-ce tout simplement la cinquième république. Ce qui est sûr, c'est que nous assistons à une véritable crise de la représentation. Les français, c'est devenu un pocif de le dire, n'ont plus aucune confiance dans les politiques, Macron joue sur son absence de background politique et fait illusion, gérant la France comme une entreprise, mais il commence  à s'éssoufler. Les français ne veulent plus élire un chef, ils veulent la liberté. C'est que la démocratie nous avait promis, c'est ce que nous voulons. Le problème avec la liberté, c'est qu'elle a un prix. Il faut, pour commencer, accepter de s'entendre et de débattre avec des gens qui nous font horreur. Les vingt pour cent pour Le Pen et ceux de Mélanchon par exemple. Fait on un pays sans quarante pour cent de citoyens votant ? La démocratie réelle, c'est entendre tout le monde, débattre en permanence, s'intéresser à des sujets qui nous emmerdent peut-être, mais qui nous concernent assurément. C'est, au fond, lacher la main du père et décider de conjurer soi-même le chaos. C'est vous pointer, toutes les semaines, tous les mois, à des réunions chronophages avec d'autres citoyens que vous n'aimez pas forcément. Débattre avec Gérard que vous haïsser, laisser Naïma parler alors que dans votre tête elle n'est même pas française. C'est aussi trouver un moyen de redistribuer le pouvoir de manière différente, trouver un moyen de donner la parole à tout le monde. C'est beaucoup, beaucoup de travail.  Est-ce un travail qui vaut le coup ? À vous de le choisir, pour vous-même, et pour votre prochain. 

Pour conclure

Des initiatives citoyennes naissent un peu partout, de droite à gauche du spectre politique. On peut penser ce qu'on veut des ateliers en non-mixité et des facs bloquées pour résister aux réformes de Macron, ce sont des initiatives citoyennes. Les "défenseurs de l'Europe" qui font un cordon pour arrêter les migrants aux alpes, font eux aussi preuve d'initiative citoyenne, au sens strict du terme. Du budget participatif de Paris aux ateliers d'Etienne Chouard, visant à aprendre aux citoyens comment rédiger une constitution, les français se réaproprient le politique. Non plus comme une masse se réunissant derrière un chef, mais comme un peuple, décidant de lui-même son destin, sans culture du chef, justement. Repensons encore à Nuit Debout, dont tous les représentants se faisaient appeler Camille. On peut penser que ce genre d'initiative est vouée à l'échec, et de fait, Nuit Debout ne tient plus trop. Mais elle a fait des enfants. Les zadistes de Notre-dame-des-landes, par exemple, ont tenté à leur tour de créer une autre société. On peut haïr ou aimer les zadistes, on ne peut nier qu'il font montre d'un courage politique exemplaire.

La thèse de Matthieu Niango dans La démocratie sans maîtres, est ainsi : Il ne fait pas gonfer l'égo des dirrigeants. Car qui peut garder le pouvoir, fera tout pour garder le pouvoir. Ainsi, dans un discours que ne renierait pas Etienne Chouard, il nous réexplique la constitution athénienne, qui vérrouillait le pouvoir pour un temps limité, et choisissait ses gouvernants par un tirage au sort. Nulle gloire, nulle richesse à tirer de l'exercice du pouvoir. Ainsi que cela devrait être. Ne pas travailler pour soi, mais travailler pour tous. Et à ce titre, il faut bien le reconnaitre, aucun de nos maîtres n'est à la hauteur. Il est donc temps, selon l'auteur, de réinventer le politique. De créer une nouvelle démocratie. 

une démocratie sans maîtres. 

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Pollo Mundo
Publicité
Archives
Visiteurs
Depuis la création 58 067
Pollo Mundo
Publicité