Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Pollo Mundo
9 mars 2020

I think you're done for the night. Mad Sad County S01E04

nighthawks

 

04H15

 

Eva mobilise toute la patience dont elle est dotée pour faire comprendre à Bernie qu'il est temps de rentrer. Encore une fois, Bernie est le dernier client de la nuit. Encore une fois il va conduire sa semi-remorque bourré à travers les routes de campagne. Il a l'habitude. Peut-être va t'il mourrir de cette façon, un jour ou l'autre, pense Eva tandis que l'autre lui demande de mettre "Don't stop believing" de Journeys. Juste une fois, pour la route. 

"Non. Tu fais chier Bernie, il est trois heures il faut encore que je ferme le bar, que je passe un coup de balai et que je rentre chez moi, j'ai envie de dormir avant que le jour se lève pour une fois. Allez rentre chez toi maintenant."

Bernie maugrée des mots inaudibles et quitte le bar. Eva retourne le signe closed et entreprend de nettoyer les tables. elle monte la sono et les riffs de guitare de Kirk Hammet accompagnent son nettoyage. Elle vaporise un peu de produit, et passe un vigoureux coup de chiffon sur la table. Ensuite, elle met les chaises à l'envers dessus. Quand elle a fini, elle remplit un seau d'eau savonneuse et prend une serpillère. Elle la trempe dans le seau et s'attaque aux sols de tout le bar, sans oublier la cuisine. Elle fume une cigarette au bar en attendant que les sols sèchent, puis l'écrase, au deux tiers fumée, dans un cendrier en plastique. Elle vide le cendrier dans la poubelle et le passe sous l'eau. Elle prend sur son épaule la grosse poubelle et sort du bar. Elle ferme la porte à double tour, va jeter la poubelle dans la benne à ordure, puis se dirige vers son van. Elle grimpe dedans. Les lumières arrières et avant s'allument, et le véhicule, dans un ronflement rassurant, se met en route dans la nuit noire. 

 

05H27

 

Le ronflement du van s'éteint. Eva tourne la clé et ouvre la portière. Elle passe difficilement entre le véhicule et le mur pour aller refermer la porte rabattante du garrage. Elle reprend ensuite son parcours à l'envers pour se faufiler par la porte intérieure. Elle entre dans la cuisine. Elle va jusqu'au frigo et regarde machinalement l'intérieur. "Je devrais me faire à manger" se dit-elle. Elle regarde la pendule au mur et renonce. Elle prend une bouteille de lait dans la porte, et boit une longue gorgée. Elle referme le frigidaire et sort de la cuisine. 

Elle enlève ses chaussures à l'orée du salon, et s'engage dans l'escalier silencieusement, ses Docs à la main. Elle arrive au premier étage et contemple, au fond du couloir, la porte de la salle de bain. "Non, je me brosserai les dents en me réveillant", se dit elle. Elle ne veut pas prendre le risque de réveiller ses parents. Puis, elle atttrape la corde qui pend du plafond. Celle qui ouvre la trappe du grenier. Elle grimpe à l'échelle descendue, puis la remonte. Elle trouve l'interrupteur dans le noir. La lumière éclaire le grenier.

Eva se déshabille face à la penderie. Elle met sa culotte, son soutien-gorge et ses chaussettes dans le panier à linge. Elle sent l'arrière du jean et se dit que ça va. Elle le remet dans la penderie. Elle renifle son T shirt au nveau des aisselles, fait une dôle de tête et le jette à son tour dans le panier. Elle soulève son oreiller et en retire un T shirt Led Zeppelin informe, qu'elle enfile, avec un bas de pyjama en flanelle blanc crème. Elle se glisse dans son lit à moitié défait et s'enroule dans la couette. Elle s'installe sur le côté. Elle a un bras sous l'oreiller, et un bout de la couette entre ses jambes. Elle n'aime pas quand ses genoux se touchent. Elle ferme les yeux. Comme souvent, elle sent son coeur accélerer à l'aproche du sommeil. Elle respire lentement pour se calmer. Ses pensées deviennent brumeuses. Elle tombe dans le monde des rêves. 

 

06H28 

 

Elle a beau grimper depuis ce qui lui semble être des siècles, ce chemin de montagne n'en finit pas. Elle se sent de plus en plus lourde, de plus en plus lente, de plus en plus faible. Il faut pourtant qu'elle trouve le sommet. C'est impératif. Il y a quelque la-bas chose qui l'y attend. Ce n'est pas Blake non, elle y a pensé mais ce n'est pas lui. Ce n'est pas un être vivant. Ce n'est peut-être même pas quelque chose de malléable. Elle continue son ascension, mais une porte à flanc de montagne attire son attention. Elle devrait continuer pour atteindre le sommet, mais cette porte a quelque chose d'irrésistible. Eva regarde la poignée avec gourmandise. Elle s'en saisit et pousse la porte. 

Elle est sous la douche et se frotte le dos avec une brosse. La mousse de savon est chaude. Elle préfère être là.  Elle ne sait déjà plus bien ou elle était avant. Elle profite de l'eau chaude. Elle n'arrive pas vraiment à se détendre, car aux loin, derrière le mur, il y a des bruits de tonnerre. Elle sent soudain ses pieds la chatouiller, alors elle regarde en bas. Des araignées sortent par dizaines de l'évacuation. Elle pousse un hurlement et tape furieusement du pied pour faire tomber les arachnides qui lui mordent la jambe. Prise de panique, elle sort en catastrophe de sous la douche. Le savon sous ses pieds la fait glisser. Elle s'accroche au rideau, mais celui-ci se romp, et elle tombe en arrière. 

Elle attérit dans l'eau courante d'un ruisseau. Elle est dans une forêt maintenant. Le ciel traverse les arbres. Elle sort du ruisseau et s'assoit sur la mousse verte. Face à elle, se tient une très vieille statue, à en juger par les félures  qui la traversent, et la mousse, qui, par endroit, la recouvre. C'est un homme. Il est dans une position de penseur. Eva sort son carnet pour le dessiner. Alors, la statue se lève. Eva se sent minuscule. Déployée, la silouetthe du géant de pierre fait plus de quatre mètres. Elle voudrait se lever et s'enfuir, mais son corps est comme paralysé. Elle ne peut qu'observer la statue, en serrant de toutes ses forces son carnet. La statue baisse la tête pour observer Eva, puis se met à parler. 

"Tu es dans le cercle?" demande t'elle, d'une voix grave. "Comment?" répond Eva. "Tu es dans le cercle?" demande à nouveau la statue. "Je ... Je ne sais pas" répond Eva. La statue secoue la tête d'un air résigné, puis retourne s'assoir face à Eva. "Ça arrive", dit-elle. Avant de s'immobiliser. Le soir tombe sur la forêt. "Qu'est-ce qui arrive ?" Demande Eva à la statue, mais celle ci se contente de secouer la tête. Elle ne répond plus. Soudain il fait noir. Ou peut-être qu'il fait noir depuis longtemps. Eva n'a pas fait attention. Elle sent une main griffue se poser sur son épaule. Elle se retourne, et, tout près de ses yeux, brillent deux points rouge, au dessus d'un grand sourire carnassier. Eva regarde, impuissante, une gueule de loup s'ouvrir, plus grande que sa propre tête, et se refermer dans un coup sec. 

 

07H38

 

Eva se réveille dans un cri de terreur. Elle regarde autour d'elle dans l'obscurité. son coeur bat à toute vitesse. Son t shirt est trempé de sueur froide et aigre. Elle se touche le visage. Pas de blessure. Elle palpe le matelas autour d'elle. Son lit. Elle est dans son lit. Elle allume sa lampe de chevet et s'assoit. elle retire son T shirt trempé et reste un moment assise, à respirer, à se calmer. Son rythme cardiaque est très rapide, comme celui d'un oiseau. Il finit par ralentir, sa vigilance s'estompe. à 07H20, sans vraiment s'en rendre compte, elle se rendort.  

 

11H42

 

La mère d'Eva ouvre la trappe du grenier et interpelle sa fille. "Tu te lèves ma chérie ? Ce serait bien que tu déjeunes avec nous une fois dans la semaine quand même !"  Le chat familial, une grosse bète rousse à poil long, grimpe l'échelle-escalier qui mène au grenier. Il saute sur le lit d'Eva et s'allonge sur elle en ronronant. "Oui oui, je me lève", répond la jeune femme. Elle gratouille l'oreille du chat quelques instant, puis le repousse pour s'assoir sur le lit. Elle s'étire en levant ses bras bien haut vers le ciel. Elle sort du lit. Elle prend un vieux sweat à capuche dans sa penderie et descend l'échelle. 

Dans la cuisine, son frère travaille sur un exercice de maths. Machinalement, elle sort le café du frigo et les filtres du placard. Elle ouvre le filtre et le place dans la machine à café. Une cuillère, puis une autre. Elle verse le contenu en eau d'une grande mug dans le réservoir avant d'appuyer sur le bouton on de l'appareil. l'odeur du café commence à emplir la pièce. Eva respire un grand coup la vapeur qui sort de la cafetière. Elle met les mains dans la poche kangourou de son sweat-shirt et en sort un vieux paquet de cigarette, déchiré de tous les cotés, dont le petit chapeau de carton a été peu à peu réduit à néant pour rouler des joints. Elle sort une cigarette toute tordue, et ouvre le tiroir avec les allumettes. Sa mère entre dans la cuisine. 

_ Tu fumes pas dans la cuisine, je vais lancer le chilli là. Va dehors si tu veux fumer.

_ Mais on est en Février ! 

_ Va dans l'atelier de ton père alors, fais comme tu veux mais pas de cigarette quand je cuisine. Lucas, va finir tes devoirs dans la chambre.

L'adolescent ramasse ses affaires et sort de la cuisine sans adresser la parole à sa soeur. "Il m'en veut ou quoi ?", se demande Eva en sortant dans la jardin par la porte de la cuisine. Au fond, il y a l'atelier de son père, une petite cabane de béton, quasiment un bunker, si ce n'est les deux fenètres qu'il a installé pour avoir de la lumière. Elle l'aperçoit du jardin. Il est penché sur son atelier, en train d'encrer une page. 

 

12H08

 

Eva frappe à la porte de l'atelier, son père lui crie d'entrer. Elle se dépèche, dehors il fait froid. 

_ Je peux fumer ma clope ici ? Maman m'a chassée de la cuisine. 

_ Oui oui pas de problèmes, fais gaffe à la cendre c'est tout. Prends un cendrier. 

Eva cherche du regard pour un cendrier. Elle n'en voit pas. Il y a des toiles, des dessins, des pots de peintures et divers objets bons pour la casse, entreposés de manière anarchique. Elle sent une odeur de cannabis. Son père aime bien fumer en travaillant. Elle s'approche de lui pour regarder par dessus son épaule. Le stylo à encre glisse sur les traits du crayon dans un léger crissement. Elle adore ce bruit. Elle l'a entendu toute sa vie. Son père tire une latte et lui passe le joint. Elle fume, puis recrache la fumée loin du dessin. Il continue son travail, sans parler. 

 

16H39

 

Eva referme son carnet et regarde l'heure. "Merde, se dit-elle, je n'ai pas vu le temps passer." Elle est en retard pour rejoindre Evan chez lui. Elle descend par la trape du grenier, et tourne à gauche pour rejoindre la salle de bain. Elle se lave les dents, puis passe un cure-dent entre celles-ci. Elle se passe ensuite de la crème bio à l'aloe vera sur le visage. Elle sort de la pièce, traverse le couloir et descend les escaliers. Elle passe par le salon. Son frère est sur le canapé, il regarde un match de la NBA. Elle s'approche de lui et pose sa main sur son épaule. Il tourne la tête et croise son regard. 

"_ Ça va toi et moi, on se fait pas la gueule ? 

_ Non bien sûr, pourquoi ? 

_ Je sais pas, j'ai cru ce matin, excuse moi de t'avoir dérangé. 

_ T'es folle..."

Eva embrasse son frère sur la joue et se retourne, elle prend son cuir et son bonnet noir sur le portementeau, et passe la porte d'entrée.

 

16H47

 

"Brrrr", lâche t'elle compulsivement, comme pour saluer le froid hivernal avec le respect qui lui est du. Elle plonge dans la grande poche de son blouson, et sort une paire de mitaine noires. Elle regarde les nuages épais et gris. Le ciel est bas. Il ne fait pas encore sombre. Le vent souffle. Des mèches de cheveux ont échappé à l'emprise du bonnet, elle chatouillent son visage. 

Eva s'accroupit devant la porte du garrage, tourne la clé dans la serrure et la relève. Elle ouvre la porte arrière de son van, la referme, et se faufile jusqu'au siège conducteur. Elle tourne le contact, et le Van se réveille. Elle effectue une manoeuvre arrière pour sortir du garage, puis va le refermer. Elle grimpe dans le véhicule et s'engage dans la rue. Elle cherche une cigarette, au jugé, dans le paquet de sa poche kagourou, en maintenant le volant de sa main gauche. Elle la tient. Elle la sort de sa poche. Puis, sans quitter la route des yeux, elle actionne l'allume cigare. Elle porte la clope à sa bouche, et quand le petit "pop" se fait entendre, elle l'allume. 

Un panneau de tôle infique : Convenient store / Gas station - 2 miles. La jauge d'essence du vieux van est foutue, mais de toute façon, il faut qu'elle prenne quelques provisions pour Evan. Elle sert à droite, et s'engage vers la station essence déserte. Elle descend et va prendre le tuyau de la pompe à essence. "Hep hep hep !" entend-elle derrière elle. Elle se retourne. 

 

17h23

 

C'est un petit mec en salopette. Il doit avoir son âge, un peu plus vieux peut-être. Une casquette en dénim sur ses cheveux pailleux, des yeux exorbités, ce qui leur donne une intensité un peu malaisante. Des os tranchants, qui paraissent vouloir sortir de sous sa peau. "Il serait intéressant à dessiner, ce gars-la." se dit-elle.

"_ C'est moi qui met l'essence mademoiselle faut pas vous déranger ! Dit le jeune homme d'une voix enjouée.

_ Ah ! répond Eva, c'est gentil merci. 

_ Je vous le remplit jusqu'en haut ? 

_ Oui merci, je vais faire des courses à l'intérieur alors. 

_ Pas de problème mamzelle."

En passant à coté de lui, elle remarque son bouc et sa moustache, ainsi que quelques poils longs qui se battent en duel sur ses joues. Près de sa bouche, il y a deux boutons d'acnée tardive. Il n'a qu'un T-shirt blanc délavé et taché sous la salopette, mais il ne semble pas affecté par le froid. Eva rentre dans le magasin en jetant un dernier regard sur son Van.

Elle prend deux paquets de pates avec de la sauce, deux paquets de chips, puis, elle va devant le frigo. Elle prend une grande bouteille de cola et et un pot d'ice cream. Elle prend aussi un paquet de nuggets micro-ondables. Elle repart vers les caisses. Au passage, elle fait tomber dans le panier deux paquets de gateaux secs. À la caisse, l'attend le jeune homme aux yeux exorbitants. Elle vide le contenu du panier sur le tapis de la caisse. Il encaisse les articles un à un, un bon sourire sur le visage. 

"Vous avez pas froid comme ça ?" lui demande Eva pour rompre le silence. " Non heureusement, lui répond l'autre avec bonne humeur. En fait, je n'ai jamais trop froid, ni trop chaud. C'est un mon super-pouvoir, si vous voyez ce que je veux dire. Haha !" Eva lui rend son sourire alors qu'il met d'une main experte toutes les courses dans un seul sac. Il lui tend par dessus la caisse. Elle le prend, le remercie, et quitte la station. Il la suit des yeux jusqu'à son Van. 

 

18H00

 

Eva se gare en Van devant la maison d'Evan. Elle descend et se dirige jusqu'au porche. Elle actionne la poignée et pousse la porte ouverte. Un aboiement faible parvient du salon, comme une plainte. "Doggo ! crie Eva, Viens me voir mon Doggo !". Elle entends la démarche pataude du vieux Bull Terrier presque aveugle. Il avance vers elle en poussant des "Woowoowoo" joyeux. Il se plante devant Eva, puis se laisse tomber sur le coté, offrant son ventre en remuant la queue. Eva sourit. Elle lui flatte le flanc.

Dans la cuisine elle se lave les mains au liquide vaisselle. Elle range le coca dans le frigo. Celui-ci est presque vide. Un pack de six à moitié fini, trois citrons, plus un demi qui commence à sécher, et du jambon sous vide ouvert, les gros paquet de 40 tranches. Elle ouvre le congélateur, il est vide. Elle y range l'ice cream, Elle referme la porte. Ensuite elle range le reste des courses dans le placard. 

Elle retourne dans le salon. "Quel bordel putain c'est pas croyable." pense Eva. Evan est endormi sur le canapé. Seul un sifflement léger indique qu'il est toujours en vie. Sur la table basse, une pipe en plastique trensparente, noircie au niveau du foyer. Le sol colle ses chaussures. Elle plisse le nez en faisant la moue. Elle va à la fenêtre et l'ouvre en grand. Evan ne se réveille pas. Evan écrase, terrassé par el cracko. 

Elle retourne à la cuisine pour prendre un sac poubelle. Elle entreprend de nettoyer le capharnaüm du salon. "C'est un peu mieux", finit-elle par se dire. Au moins elle peut s'assoir sur la chaise de camping et foutre ses pieds sur la table basse. Elle allume une cigarette et laisse tomber sa tête en arrière en recrachant la fumée. Evan tousse dans son sommeil. Eva relève la tête et le regarde un moment. Soudain, elle est prise de pitié. "Quand je pense que j'avais peur de lui." se dit-elle. Elle regarde sa montre. "Merde mais c'est pas vrai !" elle se lève, caresse le bon Doggo au passage, et quitte la maison délabrée.

 

19H45

 

Eva entre dans le bar par la porte arrière. Elle va directement aux vestiaires. Elle enlève son cuir et son sweat, elle garde son T-Shirt sérré. Il est noir, avec un dessin de corbeau à un oeil. Elle se plante devant un miroir et se passe du rouge sur es lèvres. Ensuite ele se fait les cils, et les sourcils. Elle se regarde et elle trouve que c'est bien. 

Elle passe par les cuisines pour rejoindre la salle, saluant Noah au passage. Elle arrive derrière le bar et rejoint le patron. C'est un gros bonhomme assez court, il ne dépasse probablement pas le mètre cinquante. Il a un T-Shirt sale car il est le plus souvent en cuisine avec Noah pendant les coups de feu. 

"_ Je suis désolé j'ai courru toute la journée. 

_ Tu fais chier Eva, un soir de match en plein feu on est à l'heure. Allez je te laisse le bar, je vais aider Noah. Tu tiens la baraque.

_ Merci patron. Et pardon."

Le gros Bonhomme aux cheveux gris et à la barbe touffue lui fait un signe de la main en entrant dans la cuisine. Son service commence. 

 

21H34

 

Eva sert des pintes de bières à des cohortes de fans grisé par le dernier touchdown. Chaque Commercial break est une mini-blitzkrieg sur le bar. Elle n'a pas le temps de penser. On lui fait passer de la cuisine des paniers de wings, d'onion rings et de burgers, elle les passe aux clients qui attendent et elle revient au bières. À 22h57, le match s'apprète à se terminer. Les fans énervés partent les uns après les autres. Eva est soulagé, en cas de victoire, le travail est doublé. En cas de défaite, il est réduit de moitié. Elle remarque que Bernie n'est pas là. L'espace d'un instant, elle se dit qu'il s'est peut-être tué sur la route hier soir, puis elle rejette cette idée loin d'elle.  

 

23H16

 

Une bande de motards s'installe à la table près du flipper. Le patron vient leur serrer la main. Eva sert des bières et s'occupe de son bar. Le patron demande à Eva de leur amener une bouteille de Whisky. Elle se retourne et ouvre le placard spécial, ou l'on range l'alcool réservé aux amis. Elle prend la bouteille noire et va la poser sur la table. Elle salue Joe, le leader de la bande, et fait un signe de main aux autres. Il y en a un, dans la bande, Jason. Un jeune, enfin un jeune comme elle. Ils s'aiment bien. Leur regard se croise.

À 00h38, les motards prennent la tengeante. Le petit Jason en profite pour ramener les bières de sa table au bar. Eva le gratifie d'un sourire en le remerciant. Il lui demande jusqu'à quand elle travaille. "Ça dépend, deux heures et demi, trois heures. Moins si on a pas trop de monde." Je pourrais revenir à la fin de ton service si tu veux ? On boira une petite bière." Eva lui dit qu'elle aimerait bien ça. Il échangent leur numéro.  

Quand les motards sont partis, Eva nettoie son zinc. Elle a chaud aux joues. Elle pense au coup qu'elle va tirer sur une des tables devant elle. Ça lui réveille des sensations. Ensuite, elle passe par la cuisine pour sortir par la porte de derrière et s'allume une clope. La sensation de détente arrive immédiatement après ce long coup de feu. Elle recrache longuement le mélange de buée et de fumée,  rêvasse un peu, puis retourne au bar. 

 

01H11 

 

Noah et le patron lui laissent le bar. Elle leur fait un signe de main alors qu'il partent par l'entrée principale. La voilà seule au bar. Quelques tables sont encore pleines et des discussions animées s'en échappent. Eva observe tout ce petit monde de gens normaux. Une mélancolie la saisit. Devant ce grand bonhomme bruyant qui tape dans le dos de son copain en éclusant sa bière, elle ressent une infinie tristesse, dont elle ne saisit pas très bien l'essence. Ça devient douloureux à un degré physique, comme si quelqu'un lui serrait le coeur de toutes ses forces. Elle sent des larmes monter. Alors elle se retourne, passe rapidement un doigt sur ses yeux, se saisit d'une pinte vide sur l'étagère devant elle, et entreprend d'essuyer frénétiquement le verre sec. 

 

02H11

 

"_ Hello, je te dérange pas ? 

_ Non tkt il reste que 3 clients, je vais bientôt être libre !!!

_ Ok, tjrs partante pour un verre ? 

_ Yes ;) 

_ Ok, je serai là bientôt."

 

02H46 

 

Les derniers clients franchissent la porte du bar. Eva est seule. Sa mélancolie la reprend, plus forte encore. Sans raison, sans logique. Elle sent ses lèvres trembler, ses yeux se mouiller. Elle porte la main à sa bouche et laisse échapper un sanglot. Elle se retourne, se sert un verre de whisky, et le boit en fumant une cigarette. Elle ne retrouve pas vraiment son état normal. Cette tristesse diffuse n'est pas agréable, loin s'en faut. Elle est tout-à-fait inconfortable.

Elle attend Jason et trouve qu'il met drôlement de temps. À un moment, elle entend un moteur au loin et se dit que c'est lui, car le bruit se rapproche. Le bruit finit par s'évanouir, mais pas au loin. Comme si la moto s'était arretée dans les environs. Pas juste à coté non plus. "Bon, c'est pas lui.", se dit Eva. "Tant pis, il m'aura laissé tomber."

Dans la sono, il y a la chanteuse de blues Bonnie Raitt. Elle trouve ça un peu ringard mais pour le ménage c'est pas mal. "Depuis quand ma vie consste à faire le ménage ?" se demande Eva. Elle pense à reprendre ses études, mais après ce qui est arrivé entre elle et Blake l'année dernière, après avoir perdu tout appétit pour l'histoire de l'Art, après avoir réalisé qu'elle ne savait pas ce qu'elle voulait, qu'elle ne savait pas ce dont elle était vraiment capable, qu'elle ne savait pas, au fond, qui elle était, elle avait besoin d'un an ou deux au calme. "Ça commence peut-être à me peser d'être de retour à Madsad." Elle se promet, demain, de tout poser par écrit, de réfléchir jusqu'à ce qu'elle trouve une solution.

À 3H08, les tables sont rangées, les sols, la cuisine et le bar sont propre. Elle s'installe derrière le bar, se ressert un whisky, et fume une cigarette en faisant bouger le verre dans sa main, le regard perdu dans les reflets dorés de l'alcool. 

À 3h14, Eva entend un bruit dans la cuisine. 

 

 

FIN DE L'ÉPISODE

 

 

 

 

 

 

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Pollo Mundo
Publicité
Archives
Visiteurs
Depuis la création 58 065
Pollo Mundo
Publicité