Journal de confinement #1

C'est le deuxième jour du confinement et voilà déjà plus d'un mois que je n'ai pas fait l'amour. C'est fou ce que le temps passe vite. Est-ce qu'un jour je verrai le fruit de mes entrailles tomber à vélo et s'écorcher les genoux, riant par devers moi, alors que je lui fait un bisou magique à travers mon masque chirurgical à trois mètres de distance ? 

C'est drôle. Soudain j'ai envie de saucisson, de chips, de fanta, de trucs interdits. Vais-je sortir, braver les recommandations et me rendre au Franprix? Non. Je n'ai pas ce courage. Je pose une main lasse sur la fenêtre, et me dit que c'est pour le mieux. Daddy Edouard n'a pas été content de nous aujourd'hui. Pas du tout. Nous ne sommes pas assez disciplinés. C'est lui qui nous le dit. 

Daddy Eddy n'attends qu'une chose, nous mener à la baguette. Il en a assez de ne porter du cuir que la nuit. Il veut en porter le jour aussi. Des bottes au moins. 

Soudain aussi, j'ai des envies de voyage. J'ai envie de faire comme Bald and bankrupt, partir dans des pays d'Europe de l'Est et vadrouiller au hasard. Dormir dans des trains pour pas cher, rencontrer des filles, coucher avec. Faire mon yoga face aux chaines montagneuses de l'Oural. Mais je ne le ferai pas. Pas tout de suite. C'est du bon sens de rester une semaine ou deux chez soi. La létalité du cod-19 n'est pas extrème, mais si tout le monde tombait malade en même temps, les hopitaux seraient débordés. 

C'est presque comme si les hopitaux n'étaient pas assez financés, bien que l'état et la population en dépendent. 

Pardon Daddy c'était une blague je ne recommencerai plus ! Aie ! Aie ! 

Ce confinement me montre que je me suis moi-même confiné, ces dernières années, donnant les coudées franches à une agoraphobie de moins en moins masquée. Il faut se reprendre en main, me dis-je, alors que je farme, les larmes aux yeux, des Xylomids dans FF VIII, pour obtenir la G-Force Helltrain. 

L'isolation, produit de dépendances et d'états dépressifs fréquents, m'a fait perdre bien des amis et des amies. Alors qu'on me recommande de m'isoler, je réalise que je l'étais déjà, depuis bien longtemps. 

Drôle de guerre.

On a passé tellement de temps devant les écrans ces dernières années. Vous ne trouvez pas qu'on en a trop fait ? Trop travaillé, trop voulu, trop obtenu, trop perdu, trop souffert, trop joui ? 

Quand tout sera fini, je partirai dans une direction au hasard, un carnet à dessin sous le bras, un ordi pour écrire mes romans, et je vivrai sur les routes. Enfin je me dis ça. Est-ce que je vais vraiment le faire ? Pas sûr. Ça fait longtemps que j'y pense. Embrasser pleinement ma condition de vagabond, plutôt que la repousser indéfiniment chez les membres de ma famille.

Le Coronavirus nous pousse à regarder à l'intérieur de nous. Puisque dès qu'on regarde ailleurs, on voit Daddy Edouard avec sa cravache, ses bottes et sa grosse matraque. 

Le taux de mortalité chez les gens de mon âge est de 0,2%. Pourtant, nous avons tous sauté dans le confinement comme si on attendait que ça. Se blottir chez soi, en boule. D'autres sortent et se baladent en forêt. Beaucoup apparament. Daddy a raison. Les français sont chiants à ne pas être allemands comme ça. 

Pour finir, je vais vous faire une prophétie : 

Le confinement durera deux semaines exactement. Alors il aura muté en une sorte d'état d'urgence permanent, qui aura retiré à la population un peu plus de libertés. À cet instant nous sera offert un choix. Partir ou nous battre. Il faudra choisir vite, car alors, la France n'aura plus que deux ans, avant de sombrer dans la dictature.