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Pollo Mundo
19 mai 2020

La meute - Journal du déconfinement 7

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J'ai raccroché avec Jade. Une heure au téléphone mais ça le valait bien. Deux ans qu'on ne s'était pas parlé. J'avais besoin d'une info sur mon roman, et Aude avait l'info. Ça me donnait aussi une excuse pour la rappeller, et voir un peu ce qu'elle devenait. On faisait partie du même groupe d'amis il y a quelques années.

On a parlé longtemps de tout ce qui nous était arrivé depuis deux ans. La question que j'avais à lui poser nous a pris trente secondes. Le reste, c'était des nouvelles des uns et des autres. Nos impressions sur le confinement, et sur son grand frère dopé aux stéroïdes, le déconfinement.

On a parlé de ce groupe d'amis dont nous avions fait partie. On en a parlé comme on évoque une personne morte depuis un moment, dont on peut discuter sans honte des bons, comme des mauvais côtés. Un groupe d'amis, c'est un animal qui a une naissance, une vie et une mort. Souvent, il meurt bien avant que ses membres ne veuillent l'admettre. 

Dans un groupe, inévitablement, des tensions apparaîssent. Surtout chez des jeunes un peu antisociaux. Machin va piquer de la beuh à truc. Loulou a couché avec Boubou, Toto n'est pas content. Même résolues, les tensions laissent une petite trace.

Un soir, on voit qu'on a épuisé tous les sujets de conversation. Alors on commence un peu à parler les uns sur les autres. C'est là que l'unité de groupe prend un petit coup de poignard. Et c'est inévitable. Ce n'est de la faute de personne.

C'est un processus slow, qui prend des années. Mais il agit. À la fin, vous avez une pièce remplie de gens qui ne peuvent plus se supporter, qui ont annalysé chaque petit défaults de leur interlocuteurs et les qattendent au tournant, "pour rigoler". Les soirées commencent à dégenerer, des engueulades surviennent. Le groupe commence à mourir.

Quand j'ai quitté les réseaux sociaux, j'ai compris que ce groupe était mort pour moi au depuis longtemps. Facebook me donnait un sentiment de proximité. Personne ne m'a appelé quand je suis parti, je n'ai pas soudainement commencé à appeler plus de gens. Je n'appelais personne de ce groupe, à part Victor, dont j'étais resté proche. 

Aujourd'hui avec Aude, on a prononcé la mort clinique du groupe. Ça n'était pas spécialement solennel. On a juste dit la chose. On a évoqué le fait que Laurent attendait un enfant avec sa femme, et ça ne nous faisait ni chaud ni froid. C'est vrai. Quand on m'a annoncé la nouvelle il y a quelques semaines, j'ai oublié l'info immédiatement. On m'aurait annoncé qu'un chien avait pissé sur un scooter, ça m'aurait fait pareil. C'est terrible, mais c'est la réalité. 

Quand elle me parlait de Laurent, d'Alexandra et des autres, elle en parlait comme quelque-chose qui n'a plus prise sur elle, mais qui réveille tout de même quelques émotions, comme une vieille cicatrice. Quelque-chose de vertigineux s'est ouvert en moi, et je sentais que je parlais à une personne qui faisait partie de mon passé.

Tout comme je faisais partie du sien. 

À demain.

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