Le nouveau Babx est très bien. La conformité musicale est la règle à toutes les époques, et il est difficile d'apercevoir un artiste qui sache faire sans et en vivre. C'est le cas de Babx, qui construit, depuis maintenant plus de dix ans, une oeuvre à part. La musique de Babx, c'est d'abord une atmosphère, qu'on retrouve album après album, et Ascension ne fait pas exception. Ce piano presque désaccordé, qui sonne comme ldu bois. On voit de la poussière flotter dans l'air, à travers un rayon de soleil qui perce la pénombre. Le déserteur, cinquième chanson de l'album, aurait pu être enregistrée en live sur un petit piano droit, dans la maison de ma grand-mère. C'est une atmosphère ouatée et confortable, qui se laisse tranquillement écouter.

Dans le même temps, des influences bruitistes donnent au tableau une teinte Steampunk. on imagine des rouages de machine à vapeur, une locomotive roulant dans le désert du colorado. L'ambiance est boisée, ancienne et solitaire. C'est réellement à l'interieur de l'esprit de Babx que je me trouve. C'est l'impression que ça donne. Ce sont des évocations de parfums.

Omaya, la première chanson de l'album, on devrait dire les trois premières, car elle se délie en trois parties, s'ouvre sur des accords de piano ni majeurs, ni vraiment mineurs, qui ne sont pas sans rappeler la musique française du début du vingitème siècle. Le parti pris est la poésie française. Quelques vers bien sentis, qui évoquent la nature, l'émerveillement devant le réel, le passage des saisons. La première partie s'échappe, car elle ne se termine pas, sur des tambours de plus en plus denses, des sons de plus en plus métalliques.

Ainsi commence la deuxième partie d'Omaya. Dans le claquement métallique de dizaines de percussion. Le bruit se calme, une voix s'élève, un chant, comme un marin égaré sur la mer après une tempête, chantant sous la lune le dernier chant de sa vie. Les remous des vagues se calmant peu à peu, après la déferlante de percussions. Le sel, le bois et la lune.

Le motif du voyage est récurrent, on l'entend à travers la musique, par des choix d'orchestration rappelant des contrées lointaines etenflammées, ou encore par la poésie sur L'homme de Tripoli. Sur ce titre, un piano rapide et nerveux contraste avec une voix qui semble venir de loin et des paroles évoquant et sublimant la guerre :poussière, soleil brûlant et les hélicos qui tournent. "Les toits des maisons flambaient comme de la paille."

L'album n'est pas simple à apréhender, il est souvent volontairement choquant. Des sirènes de Tripoli en passant par Psaume, petite pastille d'une minute trente qui commence par l'évocation d'une locomotive s'évanouissant au loin, pour se finir par un A capella dont la voix, triturée et transformée à outrance, n'est pas reconnaissable. On sent d'ailleur un "esprit jazz", tout au long du disque, comme une volonté de ne pas mâcher le travail de l'auditeur, comme c'est la règle dans la pop.

Le seul faux pas de l'album est à mon sens l'Alpiniste, où Babx semble faire exprès de chanter faux pour donner un style naïf à la chanson. Si je peux comprendre la démarche, je la trouve banale, et surtout, call me old fashioned, ça rend la chanson moche.

Je pourrais faire le même reproche à Tango, si la huitième piste de l'album n'était pas si originale, et au final, une des plus grandes réussites de l'album. Ça commence par une chansonette poussée, un peu faussement, par une voix qui semble venir du plus loin d'un grammophone, A capella, puis, une cascade d'instrument vient rompre la solitude, augmenter la mélancolie, faire vriller les sentiments. Un saxophone déchirant, des percussions et des scies musicales, et le tango devient comme une valse folle dont Babx a le secret, qui nous ramène dans les années 20, il y a presque cent ans.

La dernière piste est un remaniement de la trilogie Omaya, avec le surdoué Archie Shepp, qui nous offre de véritables morceaux d'âme avec son saxophone, instrument à l'honneur dans Ascension.

Cette album fourmille d'inspirations différentes, on y entends du jazz, du bruitisme, on peut percevoir les gymnopédies de Satie, par moment, de la musique de film. Les pointes de musiques naïves ici et là m'ont fait tiquer, mais c'est une question de gout. Archie Shepp est rien de moins que magistral. La chanson française, ici, est presque comme un masque pour attirer l'auditeur vers la richesse musicale de l'album. Je dis presque, si les textes n'étaient pas aussi travaillés. La première strophe de la troisième partie d'Omaya, pour moi, remporte la palme de l'évocation.

Omaya s'endort sous les mandariniers/Dans le vent brulant/La où poussaient les roses/Omaya se repose.

L'Ascension de Babx

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