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Pollo Mundo

19 juin 2020

Lao Tseu et le gardien de la porte de l'Ouest

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Le Tao-Te king est un livre mythique, en ce que son auteur nous est inconnu, probablement à jamais. Il aurait vécu à la même époque que Confucius, mais nous ne savons rien de lui, ni même si il a vraiment existé. C'était donc un sage chinois vivant sous la dynastie des Zhou orientaux. Il entreprit un jour une retraite spirituelle vers l'Ouest. On raconte que Yin Xi, le gardien de la porte de l'Ouest, lui "demanda" de coucher ses enseignements par écrit avant de quitter le pays des Zhou. On peut dès lors imaginer que le voyage qu'entreprenait Lao Tseu était très dangereux. Et de fait, il n'en revint jamais. 

Pour être aidé par Lao-Tseu, il ne faut pas lire le Tao-Te King une fois. Il faut vivre avec, et le lire souvent, et en réfléchissantIl faut le lire suffisament pour comprendre que c'est un descriptif, précis et minutieux, des lois cosmiques qui régissent les "dix milles êtres sous le ciel". C'est une somme astronomique de connaissance et de sagesse, qui déborde de chaque paragraphe, qui contient une energie et une vitalité extraordinaire. Ce qui fait que l'on peut relire des centaines de fois le même paragraphe, et à chaque fois le redécouvrir (si on réfléchit).

La sagesse de Lao-tseu m'a soutenu dans les moments les plus durs de ma vie. En 2018, quand j'étais dans les affres de la dépendance, de l'obésité et de la dépression, que ma vie professionelle était une blague de poivrot, que je perdais des amis proches et que mon couple se disloquait, qu'une voix démoniaque me hurlait dans l'oreille, alors que je contemplais cette fenêtre au quatrième étage : "Saute ! Si tu sautes, tout s'arrête ! Sois pas con, au moins, cette souffrance incensée va s'arrêter si tu sautes. Mais saute bordel !", il y avait, dans ma bibliothèque, ce petit livre, que j'ouvrais parfois, et qui le temps d'une lecture, d'un retour au calme, me donnait à voir les mécanismes les plus hermetiques de l'existence, et leur action, dans tous les domaines de la vie.

J'ai beaucoup voyagé, en esprit. Et sans ce compagnon, je n'aurais pas survécu aux contrées que j'ai visité. 

Le Tao-Te King (Ou "Le Lao-Tseu, comme j'ai commencé à l'appeler sans trop savoir pourquoi) Vous donnera systématiquement de la place pour penser, pour vous calmer, et pour agir ; par la puissance (et non la force) du non-agir, qui n'est pas la non-action, mais bien autre chose. C'est le livre le plus important de toute ma vie, et j'ai lu tous les livres. C'est un phare dans la nuit, une main tendue quand vous vous noyez, qui vous sort de l'eau avec force et compassion, puis vous donne à respirer une grande bouffée d'air pur. En voici le seizième paragraphe. 

 

"Atteins à la suprême vacuité

et maintiens toi dans la quiétude, 

Devant l'agitation fourmillante des êtres

ne contemple que leur retour.

 

Les êtres divers du monde feront retour à leur racine.

Faire retour à la racine, c'est s'installer dans la quiétude ;

S'installer dans la quiétude, c'est retrouver l'ordre ; 

Retrouver l'ordre, c'est connaître ce qui est constant ;

Connaître ce qui est constant, c'est illumination. 

 

Qui ignore ce qui est constant crée aveuglément son malheur. 

Qui connaît le constant sera tolérant. 

Qui est tolérant sera désintéressé. 

Qui est désintéressé sera royal. 

Qui est royal sera céleste. Qui est céleste fera un avec le Tao. 

Qui fait un avec le Tao vivra longtemps. 

Jusqu'à la fin de sa vie, rien ne saurait l'atteindre."

 

 

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4 juin 2020

La tentation du flic

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Quand on jouait aux gendarmes et aux voleurs à la récré, je voulais toujours être le voleur. La plupart des gens, si je me souviens bien, préféraient ce rôle. C'est que, philosophiquement, le but du voleur est beaucoup plus noble. En effet, lorsque vous êtes voleur, votre but est d'échapper au gendarme, d'échapper à la loi, au témoin, et donc au juge. Le voleur court vers sa liberté, c'est son seul objectif, la seule ambition de sa partie. Le but du gendarme est d'attraper le voleur. Son objectif est de restreindre la liberté d'un autre. Ce rôle est par essence dépressiogène, puisqu'il n'a pas d'autre fonction que de restreindre la liberté d'action des participants. 

Pour autant, sans gendarme, il n'y a pas de jeu. Le voleur connait l'excitation de la liberté conquise, la joie d'échapper aux menottes, uniquement grâce au gendarme, qui le cherche dans la cour de récré, lui court après et entend bien gagner la partie en attrapant tous les voleurs. Pour ne pas sombrer dans la léthargie, le voleur a besoin du gendarme. D'ailleurs, quand on était trop bien caché et que personne ne nous trouvait, on finissait par s'emmerder. 

Voilà une évolution intéressante. Le voleur veut être trouvé. Quand un gendarme passe devant sa cachette sans l'apercevoir, il rit dans sa barbe. Il est fier de son ingéniosité, et désire, très fort, qu'on la voit et qu'on la reconnaisse, comme une qualité constitutive du sujet qui la déploie. En fin de partie, les voleurs bien cachés sont félicités : " woh la la t'étais impossible à trouver !"

À 32 ans, la situation est moins claire qu'en primaire, car un enfant est plus proche de son impulsion initiale, qui n'est pas d'obliger qui que ce soit à faire quoi que ce soit, mais à acter sa propre liberté, sa propre puissance et sa propre joie. Dans le monde des adultes, toutes sortes de menaces vagues ou précises volent au dessus de nous. Dans le monde des adultes, tout est plus serieux. Dès lors, un bon nombre de jeunes adultes finissent (commencent!) par se ranger du coté des flics, de l'ordre et de la loi.

Le but de l'état, ces derniers temps, semble de progresser à petit pas vers la réalisation de 1984, à savoir un continent de flics qui se surveillent les uns les autres, et où le gouvernement peut dire tout et son contraire, d'un mois à l'autre, sans être dérangé (cf, entre autres, le débat sur les masques : La France a tous les masques nécéssaires ---> La France n'a aucun masque ---> La France n'a jamais manquée de masque )

La loi Avia va maintenant permettre à la justice de légiférer, vraiment légiférer, c'est-à-dire vous mettre des amendes, ou éventuellement ( à terme, certainement) vous jeter en prison pour quelque-chose que vous publierez en ligne. Sous couvert d'opposition à la haine sur internet (comme si on pouvait légiférer sur un sentiment : idée d'enfant de trois ans.) les députés, dans une session ou l'absence a brillée par son record, ont donné au Pouvoir un peu plus de pouvoir. Quand le Pouvoir augmente son propre pouvoir, c'est mécaniquement le peuple, tout le peuple, qui en perd. 

Je me suis senti un peu flic au début du déconfinement. Quand je voyais quelqu'un porter mal son masque, je fulminais tout seul : " Mais comment ! Il ne respecte pas les consignes ! C'est quand même un effort collectif merde ! " Je reconnais maintenant que j'étais jaloux de l'insoumission. Je me suis soumis, comme tous le monde, à tous les ordres que le gouvernement m'a donné depuis quelques mois. Je me suis mis en connivence avec le pouvoir. En somme, je voulais, moi aussi, ignorer les consignes et respirer à plein poumon, mais je n'osais point. Comme tous les faibles, j'en voulais aux forts de me renvoyer ma faiblesse au visage. 

C'est pour cela que le rôle du gendarme, à la récré, n'est jamais envié. Le gendarme est un faible ontologique, qui ne peut supporter de voir une vie sortir des clous et exercer sa liberté. Il a peur pour le tissu social, pour sa famille, ses enfants, sa race. Il a peur que la vie lui tombe dessus avant d'avoir pu vieillir. Il fait tout par peur. Le voleur, c'est la vie qui vous tombe dessus. Vous vous êtes déjà fait cambrioler ? Quelle aventure ! Quel traumatisme ! Il faut le vivre au moins une fois. Le voleur est proactif dans son existence. Il a un but et n'entend pas que la société l'empêche de l'accomplir. Le gendarme n'a pas de but. Il a des ordres.

Si vous vous reconnaissez dans ces petits flics de circonstance qu'on nous pousse subtilement à devenir, arretez ça immédiatement ! Vous n'êtes pas là pour fliquer les gens espèce de malade ! Et pensez que ce sont les rechigneurs, les râleurs, les emmerdeuses, qui refusent d'obtempérer et de mettre le masque, qui, sans le savoir peut-être, se battent pour votre liberté en affrontant la grogne populaire rangée massivement (une honte en France) du coté du pouvoir. Pas de flic chez mes lecteurs et mes lectrices ! Seulement des RG ! D'ailleurs, faîtes comme les RG :  Observez, prenez note, et taisez-vous ! 

À demain ! 

 

20 mai 2020

Vas-y là ! - Journal du déconfinement 8

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Vas-y là ! 

Il est tard

Et L'espoir 

Disparaît.

 

Puis repart ! 

Il est tard

Et je n'ai

Rien écrit.

 

C'est normal  

Que je rame !

Car je n'ai

Que deux bras.

 

Que deux bras  

Et deux jambes

Et un coeur

Qui flambe. 

19 mai 2020

La meute - Journal du déconfinement 7

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J'ai raccroché avec Jade. Une heure au téléphone mais ça le valait bien. Deux ans qu'on ne s'était pas parlé. J'avais besoin d'une info sur mon roman, et Aude avait l'info. Ça me donnait aussi une excuse pour la rappeller, et voir un peu ce qu'elle devenait. On faisait partie du même groupe d'amis il y a quelques années.

On a parlé longtemps de tout ce qui nous était arrivé depuis deux ans. La question que j'avais à lui poser nous a pris trente secondes. Le reste, c'était des nouvelles des uns et des autres. Nos impressions sur le confinement, et sur son grand frère dopé aux stéroïdes, le déconfinement.

On a parlé de ce groupe d'amis dont nous avions fait partie. On en a parlé comme on évoque une personne morte depuis un moment, dont on peut discuter sans honte des bons, comme des mauvais côtés. Un groupe d'amis, c'est un animal qui a une naissance, une vie et une mort. Souvent, il meurt bien avant que ses membres ne veuillent l'admettre. 

Dans un groupe, inévitablement, des tensions apparaîssent. Surtout chez des jeunes un peu antisociaux. Machin va piquer de la beuh à truc. Loulou a couché avec Boubou, Toto n'est pas content. Même résolues, les tensions laissent une petite trace.

Un soir, on voit qu'on a épuisé tous les sujets de conversation. Alors on commence un peu à parler les uns sur les autres. C'est là que l'unité de groupe prend un petit coup de poignard. Et c'est inévitable. Ce n'est de la faute de personne.

C'est un processus slow, qui prend des années. Mais il agit. À la fin, vous avez une pièce remplie de gens qui ne peuvent plus se supporter, qui ont annalysé chaque petit défaults de leur interlocuteurs et les qattendent au tournant, "pour rigoler". Les soirées commencent à dégenerer, des engueulades surviennent. Le groupe commence à mourir.

Quand j'ai quitté les réseaux sociaux, j'ai compris que ce groupe était mort pour moi au depuis longtemps. Facebook me donnait un sentiment de proximité. Personne ne m'a appelé quand je suis parti, je n'ai pas soudainement commencé à appeler plus de gens. Je n'appelais personne de ce groupe, à part Victor, dont j'étais resté proche. 

Aujourd'hui avec Aude, on a prononcé la mort clinique du groupe. Ça n'était pas spécialement solennel. On a juste dit la chose. On a évoqué le fait que Laurent attendait un enfant avec sa femme, et ça ne nous faisait ni chaud ni froid. C'est vrai. Quand on m'a annoncé la nouvelle il y a quelques semaines, j'ai oublié l'info immédiatement. On m'aurait annoncé qu'un chien avait pissé sur un scooter, ça m'aurait fait pareil. C'est terrible, mais c'est la réalité. 

Quand elle me parlait de Laurent, d'Alexandra et des autres, elle en parlait comme quelque-chose qui n'a plus prise sur elle, mais qui réveille tout de même quelques émotions, comme une vieille cicatrice. Quelque-chose de vertigineux s'est ouvert en moi, et je sentais que je parlais à une personne qui faisait partie de mon passé.

Tout comme je faisais partie du sien. 

À demain.

18 mai 2020

J'adore les masques ! - Journal du déconfinement 6

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Je les aime ! Ils sont confortables, et ils me mettent en sécurité. Si j'ai pu par le passé avoir critiqué ces formidables équipements, joyaux du monde moderne et des nouveaux défis qu'il comporte, c'était juste par... par humour vous voyez ? Oui ,c'était du piètre humour... Et par dessus tout, c'était anti-patriotique. Pire encore : Anti-européen.

Mais j'étais aveugle vous voyez. Je ne comprenais pas pas bien en quoi les masques sont si merveilleux. Que n'avais-je anticipé le doux paradis de tousser dans un masque, et de se promener dans le jardin fleuri de sa propre haleine ? M'eut-on prévenu, je m'y serais mis plus tôt, j'aurais même devancé les recommandations de l'état !

Je n'avais pas perçu la finesse de ce reconditionnement collectif : quand je vois un individu porter le masque d'une mauvaise façon, je m'offusque de cette infraction, me plaçant ainsi dans une étrange connvience avec le pouvoir. Nous pouvons désormais ressentir la sécurité et l'affection d'une surveillance collective et frustrée. Avec cette thérapie de reconversion forcée volontaire, je peux désormais devenir un little brother efficace, pour la sécurité, et le bien-être de tous !

Mais revenons aux masques. Ils sont si élégants... Il y en a de toutes les couleurs, de toutes les formes. Un petit masque Gucci à Concorde, un masque Thug treillis militaires à place des fètes. Toutes sortes de manières de le porter. La totale, le nez au vent, en collier. Celle que je préfère : sous le menton, et le doigt dans la bouche. Esperons que tout ce stress du déconfinement de me poussera pas à commettre de tels actes antisociaux, j'en mourrais de honte. 

Non pas que ça me stresse de porter un masque ! Pas du tout ! Ça me détend même ! Les couleurs sont belles, ce bleu ciel là, ça me rappelle la Baule ! Je ... Aïe ! Aîe ! Désolé Daddy, j'ai mal lu le script, je l'ai pas fait exprès, je vais refaire ! Ouille ! Aïe ! Oui ! Je l'ai mérité ! On l'a tous mérité ! C'est toi le patron ! On est pas dignes ! Ouille ouille ouille ! Pardon Daddy, je recommencerai plus ! 

Allez, au lit les animaux ! 

Et à demain ! 

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15 mai 2020

Le vin de la colère divine - Journal du déconfinement 5

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Dans la soumission généralisée, nous marchons dans la rue, masque sur la gueule. Je HAIS ces masques. Je ne pouvais pas le savoir pendant le confinement, mais c'est officiel. Je hais les masques de tissus, les distances de sécurité, les recommandations du gouvernement "d'arrêter les embrassades". C'est toi arrêtez les embrassades.

En plus je suis parano, j'ai l'impression que le gouvernement a enduit les masques d'un produit qui rend stérile ou quelque chose d'horrible comme ça. Les masques me mettent en colère. Je me sens isolé du reste de l'humanité. Je me sens seul dans ces métros ou chacun regarde son portable. Je ne peux même plus voir les visages. À quoi ça sert d'emmener son carnet pour dessiner des masques ? 

Quand la colère commence à s'installer en moi, elle a tendance à vouloir y rester, et elle possède une force, vous n'imaginez pas. C'est un tsunami lent et infatigable, qui gagne du terrain sur moi à chaque minute qui passe. Quelques minutes de ce traitement, et tout ce que je vois participe à son éclosion : les gens qui portent les masques, les gens qui n'en ont pas, les gens qui portent un masque mais qui laissent dépasser leur nez du masque. L'obsession est là : Le masque

Quand je sors du métro, ma respiration est tellement saccadée que je dois faire des efforts pour marcher normalement. Dès que j'en sors, je retire cet instrument de torture. Je sais qu'on doit tous faire des petits sacrifices, mais quand même. J'aimais bien respirer. 

Ensuite, sans entrer dans la banque, j'ai montré par dela la vitre à l'employé à l'intérieur mon enveloppe contenant les documents que j'amenais. Il m'a fait signe de la mettre dans la boîte au lettres. Je l'ai fait, je lui ai levé le pouce, et je suis parti. Il y avait une queue de trente mètres pour aller au Liddle. La colère qui me vrillait le crâne est descendue de mon cerveau. Elle a atteint mon coeur et s'est changé en tristesse.

Il faisait beau pourtant. J'ai marché jusqu'au pont de sèvres. À Billancourt, j'ai acheté une petite bouteille d'eau au Franprix. Le petit jeune à la caisse avait un masque chirurgical, et était enfermé dans une cage de plastique transparente. On doit tout faire avec les yeux pour se comprendre. Tout le monde se souhaite bon courage tout le temps.

Sur le pont de Sèvres, la colère continuait de se transformer en peine, mais elle ne partait pas complètement. Cela faisait plusieurs heures que ça durait et je me sentais épuisé. Je suis passé au Franprix de Sèvres, j'ai fait quelques courses alimentaires. Je suis rentré, j'ai rangé tout ça dans le frigo et les placards. Je me suis installé au bureau, et j'ai pleuré longtemps, sans raison précise.

Bienvenue dans le nouveau monde.

14 mai 2020

Safia - Journal du déconfinement 4

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Safia me parle au téléphone

Et je ne peux pas écrire

Puisque Safia me parle au téléphone 

On parle de Monarchie

De République

D'Europe

 

Mais il faut bien écrire 

Autant qu'il faut parler

Safia est tellement intelligente

J'en serais en retard dans ma publication

Et ça, pas question ! 

 

Alors j'écris en douce

Un poême

Vite fait.

13 mai 2020

FALLOUT - Journal du déconfinement 3

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La forêt est sans dessus dessous depuis la nuit d'éclairs de l'autre jour. J'y retournais pour la deuxième fois, et je remarquais des choses qui m'avaient échapées. 

Un arbre costaud, d'une bonne vingtaine de mètres de haut, arraché à la base et cloué au sol. Tous les troncs ont changé de sens. C'est comme si je courais dans un endroit inconnu. Comme si on avait fait un relooking forcé aux sous-bois.

On finit par prendre conscience de l'unité d'une forêt, à force de courir dedans. Je veux dire qu'une forêt a sa propre personnalité, et qu'en étant un peu perceptif, on peut rapidement développer une sorte de dialogue avec elle. Comme toutes les pratiques magiques, il suffit de le faire pour voir que ça fonctionne.

La foret dans laquelle je cours était littéralement traumatisée. On aurait dit que les arbres, les arbrisseaux et les arbustes étaient en état de choc, comme si ils n'en revenaient pas. Ils étaient complètement éclatés, délogés de leur position. Pour un être dont la survie est assuré par sa position dans la terre, une tempête pareil, vous imaginez le traumatisme ? Ça doit être l'équivalent d'un raid de vikings pour des curés anglais. Un massacre. 

J'ai dévié de mon chemin habituel, car la terre est encore boueuse par endroit. Il y a même des petits lacs et des chemins qui sont devenus des ruisseaux. La nature, de manière épatante, se réorganise immédiatement. 

Le chiens sont commes des dingos dès qu'ils voient un humain, j'ai eu quelques camarades de course. Au bout d'une méga-colline, alors que j'arrivais presque au bout, la douleur a bien failli me faire abandonner. Je me suis répeté : "C'est rien ! C'est rien !" Mon coeur semblait sur le point d'exploser, mais petit à petit, le dénivelé s'est estompé. 

La forêt est contente quand on se balade dedans. Ça a l'air idiot de le dire comme ça, mais si vous faîtes un peu attention, c'est une évidence. 

Mon bon vieux Dimitri n'a rien, mais il est quand même un peu secoué. Je peux sentir sa respiration maintenant. Je crois qu'il me reconnait. Est-ce qu'on peut développer une amitié avec un arbre ? C'est pas plus délirant que de prévenir le cancer en méditant. De toutes façons, on tient tellement de choses pour vraies dont on n'a aucune idée. Une de plus, une de moins. D'autant que cette vérité-là, je la sens. 

Ça me suffit pour y croire.

12 mai 2020

gueule de bois - Journal du déconfinement 2

Eug-ne-Delacroix_apollon

J'émerge de ma nuit. Quel mal de crâne... Autour de moi, une trentaine d'amphores vides. Ourgh. Quelle soirée. Je me fais un café et fume une cigarette en essayant de retrouver mes esprit, puis j'ouvre la fenêtre. le chariot m'attent devant. Rudolphe et Samantha, mes deux chevaux de feu, ont l'air dans le même état que moi. Je m'installe dans le véhicule, et m'élance pour éclairer le ciel. Je ne suis pas en avance. 

Au dessus de l'Australie, je m'attarde un peu, je fume une clope. Mon Skyphone sonne, Aphrodite. Oh yes, je suis sûr qu'elle est chaude comme la braise. Je me râcle la gorge avant de décrocher.

" _ Heeeeey Salut poupée, alors quoi de beau, on se languit de moi ? 

_ M'appelle pas poupée espèce d'abruti et ramène-toi ! Le soleil aurait du se lever il y a deux heures à Athènes. Les humains sont malades d'inquiétude, Trump a déjà déclaré la guerre à l'Espagne. Qu'est-ce que tu fous ? 

_ Bah ça va, je me grille une clope au dessus de l'Australie, j'ai le droit non ? Qu'est-ce que ça peut faire que les humains s'inquiètent ? Ils font que ça de la journée ! 

_ Il faut vraiment que je t'explique ton boulot ? Je te préviens, Poséidon est déjà en train de s'activer, il pense que c'est son grand jour. On a eu deux tsunamis depuis le début de ce coup de fil. 

_ Merde, Poséidon ! Je l'avais oublié celui-la. Bon ok, je finis ma clope et j'arrive. 

_ Non, tu viens maintenant.

Si je viens tout de suite, on prend un verre après le boulot ?

_ Mais il est malade ou quoi ? Si tu te ramènes pas tout de suite, j'arracherai chacun de tes membres à mains nues et je les disperserai aux quatre coin de la planète, tu m'entends ?!" 

Bon dieu que j'aime cette femme. Pas le temps de niaiser. Je fonce au dessus de l'Asie. 

Alors que je survole le Moyen-Orient, une sirène de police retentit derrière moi. Et merde, j'ai pas le temps pour ça. Le flic me force à arrêter le char. Samantha hennit d'agacement et Rodolphe a tout juste l'air de se réveiller.

"_ Papiers du véhicule, monsieur, s'il-vous-plait. 

_ Les voilà. Écoutez monsieur l'agent, je suis vraiment hyper en retard là. J'étais censé porter le jour en europe depuis deux heures déjà, les humains sont malades d'inquiétude.

_ C'est pas mon problème les humains monsieur. Vous ne respectez pas la division horaire. À cette heure-ci, l'espace aérien du Moyen-Orient appartient à Allah et vous devrez vous accomoder d'une taxe pour passer. Deux cents fidèles. 

_ Deux cents ? Mais c'est du racket, C'était cent le mois dernier ! 

_ C'est pas moi qui fait les règles, monsieur. Si vous ne voulez pas payer d'amende, achetez-vous un réveil. Vous payez par carte ?

_ Bon écoutez, je voulais pas en arriver là mais... J'ai du nectar et de l'ambroisie à l'arrière. Ça vous irait qu'on s'arrange vous et moi?"

Heureusement que ce flic était corruptible. Toujours avoir un peu de cash en cas de souci avec la loi, c'est ma devise. Je finis par survoler la grèce. Aphrodite me salue de la main au dessus du volcan d'Héphaistos, éteint. Je rêgle le char sur automatique pour qu'Inti le récupère après l'Atlantique, et saute pour atterrir devant Aphrodite dans un nuage de poussière. Je prends quelques poses de statue pour la flatter, mais elle n'a pas l'air d'humeur. Elle fume à l'entrée du volcan, l'air un peu triste. Je m'adosse sur le mur à coté d'elle. 

" _ Détends toi, Aphro, c'était qu'une erreur. Je le referais plus, promis. Et j'irai m'excuser auprès de Poséidon pour lui avoir laissé croire qu'on lui rendait la terre, ok ? 

_ Mais c'est pas ça, je m'en fous de Poséidon. C'est les humains. Ils me dépriment en ce moment. Ils n'ont plus foi en nous... Plus foi en eux-même

_ Va dire ça à Allah. Tu sais combien il charge maintenant, quand on traverse le moyen-Orient pendant son horaire ? Deux cents fidèles ! 

_ Oh mince, tu as besoin que je te prète ? 

_ Non t'inquiète pas, je me suis arrangé en liquide. Tu es gentille de proposer.

_ Je suis trop gentille oui. 

_ ... Dis, il est là ton mari ? Aphrodite me montra le cratère éteint. 

_ La forge a l'air ouverte ? 

_ Tu veux pas qu'on ...

_ Tu vois pas que je suis déprimée ? 

_ Justement, ça te remonterait le moral. 

_ Je sais pas Apollon.

_ Allez...

_ C'est pas que j'ai pas envie, c'est que j'en ai marre des regards en coin d'Athena. 

_ Athena, elle fait tout le temps la gueule et tout le monde sait pourquoi. Invite moi pour un verre."

Aphrodite plonga ses yeux verts dans les miens, des flammes commençaient à s'échapper de ses cheveux et ses joues rosissaient. 

_ UN verre."

11 mai 2020

BOUM ! - Journal du déconfinement 1

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Le déconfinement, c'est pas de la tarte. Tenez par exemple, je me suis levé ce matin vers 10h, 10h30, et contrairement à d'habitude, je n'ai pas pris de café. Je prends TOUJOURS un café le matin. C'est un peu ce qui fait de moi l'homme que je suis. Si j'arrête ça, d'un jour à l'autre, si facilement, qu'est-ce que ça dit de l'existence réelle de mon esprit ? Je me suis peut-être fait remplacer par un clone alien dans la nuit, sans même le savoir. Tout est possible en cette êre de post-vérité...  

J'émergeais sans rien boire. Ça allait. Je fixais les nouvelles sur mon téléphone. Le point titrait : "île de france, une forte odeur de souffre ressentie dans plusieurs département." Good, l'apocalypse est toujours au programme. "Il se pourrait que ce soit à cause des gros orages d'hier." Alors c'est juste ... Le printemps ? 

Non.

Y en a marre à la fin. C'est pas juste le printemps. c'est les démons de l'enfer qui arrivent et puis c'est TOUT. J'en ai plein le dos d'avoir la trouille depuis des années pour toutes sortes de trucs que je ne vois jamais. Alors quitte à ce que le point me balance que ça sent le souffre, moi je dis que c'est Belzebuth. 

Quels éclairs on a eu ces derniers jours hein ? Je vais pas mentir, je suis super impressionnable. Alors en voyant ça, je me suis dit que les dieux éssayaient de me communiquer un truc mais je n'ai pas su dire quoi. Pire, l'orage avait carrément l'air de ne pas me remarquer, de ne pas tenir comtpe de mon existence. Je prêtais attention, et la conclusion était sans appel. Ce con d'orage m'ignorait ! J'ai ouvert la fenêtre en grand et j'ai gueulé bien fort : 

" Dites donc, là-haut ! Ça va, on vous dérange pas ? Vous ne voyez pas que j'essaye d'avoir une épiphanie cosmique ? "

Et là, sur la vie de ma mère, un frelon asiatique est apparu devant ma fenêtre sous la pluie en trombe, il a volé quelques secondes devant moi, en me regardant, et il est parti...

Bon ok c'est du mytho. 

Enfin, si le coup du frelon c'est arrivé, mais c'était plus tôt dans la journée. Il y avait un grand soleil et il est rentré dans le bureau par accident. il a fait deux trois tours dans la pièce, mais genre, débonnaire quoi, pas violent. J'aurais pas su dire pourquoi, mais je sentais que c'était le genre de frelon à qui je pouvais faire confiance. J'ai fini par aller ouvrir la fenêtre en grand. Ça l'a aidé, il est sorti tout de suite.

Bon ben voilà, c'est reparti pour un tour, on commence ce déconfinement tous ensemble, attachez vos ceintures. On va rire, on va pleurer, on va se faire peur, s'exciter un peu, on va y aller mollo sur la moraline et surtout, surtout, on va vivre jusqu'à la mort ! 

À demain ! 

 

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