À quoi rêvent les chiens de l'espace ? La bande déssinée Laïka, scénarisée et déssinée par Nick Abadzis, auteur greco-anglais, nous donne quelques éléments de réponses.

Le 4 Octobre 1957, le lancement de SPoutnik I stupéfia le monde entier. C'était le tout premier satellite artificiel à pénetrer l'espace, et il venait des sovietiques. C'était une victoire scientifique, politique et idéologique majeure sur l'occident impérialiste, et Khroutchev, sur cette lancée, décréta que le deuxième Spoutnik devrait quitter l'atmosphère avec un organisme vivant à son bord pour le quarantième anniversaire de la révolution soviétique. Soit ... Un mois plus tard.

Ce délai était bien évidemment intenable, mais les ingénieurs spatiaux soviétiques relevèrent le défi malgré tout. Un mois plus tard, jour pour jour, Spoutnik II quittait la terre, avec à son bord Laïka, petite chienne de trois ans, croisement entre un terrier et un husky, récupérée dans les rues de Moscou. Les tests de l'armée de l'air se faisaient régulièrement avec des chiens, et Laïka, qui mourrut cinq heures après l'arrivée du satelite dans l'espace, était loin d'être la première chienne sacrifié sur l'autel du progrès.

C'est cette histoire poignante que nous conte Nick Abadzis, à travers quatre destins croisés. Oleg gazenko, alors docteur en recherche spatiale, Koudriavka, petite chienne des rues, rebaptisée Laïka, quelques mois avant le lancement de Spoutnik II, Sergueï Koroloev, ingénieur en chef du programme spatial, et enfin Ylenna Dobrovski, qui était chargée de la supervision des chiens. La Russie, en effet, menait des expériences sur les chiens, ésperant trouver le moyen d'envoyer de manière viable et durable un organisme vivant dans l'espace.

Nous suivons le parcours tragique de Laïka, de sa naissance à sa mort. La folie des grandeurs de Kroutchev, son ambition politique de recréer le tour de force de Spoutnik I à une date symbolique, qui le poussera à ordonner au département spatial d'envoyer un être vivant dans l'espace à peine un mois plus tard. Il aurait, selon la bande déssinée, voulu d'abord envoyer un homme, mais se serait rabattu sur un chien, puisque ces petits animaux faisaient déjà l'objet d'un entrainement spatial intensif.

L'auteur possède un sens de la narration impressionant, et en tant que déssinateur, une grande maitrise du mouvement, cette part si importante de la bédé, si souvent négligé en europe. On se surprend à tourner frénétiquement les pages au début de l'histoire, voyant Laïka survivre comme elle peut, de la rue au centre spatial, en s'attachant de plus en plus à elle, jusqu'au moment poignant du décollage, ou tout le monde, lecteur et personnages, savent que la chienne va mourir. Je n'ai pas pu retenir mes larmes en voyant les scientifiques clouer la vitre à la capsule, comme des clous sur un cercueil.

Il était prévu que ce serait un aller simple pour Laïka. Dès le départ, elle n'avait aucun espoir de revenir en vie. Elle ne le savait pas. Elle était heureuse et on s'occupait bien d'elle. Arrivée dans l'espace, la coiffe du satellite ne se détacha pas comme prévu, et Laïka mourrut de chaud en quelques heures. Nick Abadzis nous montre ces instants déchirants par un découpage impeccable, peu de mots, et beaucoup de larmes retenus. Il vaut mieux montrer que dire. Et nous avons tout vu. Laïka vit, Laïka rêve, LaÏka meurt.

En 1998, Oleg guazenko fera part de ses regrets d'avoir travaillé avec des chiens pour envoyer l'homme dans l'espace, et, plus particulièrement, de ses regrets pour Laïka. Je lui laisse les derniers mots :

" Travailler avec les animaux est une source de soufrance pour nous tous. Nous les traitons comme des bébés qu ne savent pas parler. Plus le temps passe, plus je m'en désole. Nous n'avons pas retiré assez d'enseignements de cette mission pour justifier la mort de la chienne."

Laïka

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