Les journées de Kiwi en prison - Journal de confinement 28

Une grande partie de ma vie consiste désormais à surveiller et punir. Depuis une semaine, en effet, Kiwi n'est plus enfermé dans son parc à bébé. Il est maintenant assigné à résidence dans une pièce à part, la chambre de ma grand-mère. On lui a mis un petit plateau par terre avec un verre d'eau et des croquettes. La journée, on ne l'entends pas trop. Il dort sur le lit ou sur le fauteuil. 

Pour rappel, Kiwi était tombé du balcon, et avait écoppé de 9 semaine de convalescence. Nous en sommes à l aquatrième.

Vers midi, il commence à gratter furieusement à sa porte. C'est que c'est l'heure de la pause. Je lui ouvre la porte. Le plus souvent, il est plutôt de mauvaise humeur. Il faut dire que ça fait quinze heures qu'il est enfermé dans une pièce sans bouquin, sans internet, sans rien. 

Quand il y a de la viande ou du poisson, je donne la moitié de ma part aux chats. Au début c'était très dur de maintenir une équité. Mon chat à moi, Pilou, est un gros gourmand. Même si il était encore en train de manger ce que je lui avais donné, quand il voyait que Kiwi avait quelque chose aussi, il fonçait dessus pour lui bouffer sa portion. J'ai fini par poser deux serviettes par terre, de chaque coté de ma chaise. Maintenant, on partage en trois. Je laisse tomber en même temps, de chaque coté, un morceau sur chaque serviette. Ça marche bien.

Il a aussi fallu faire avec l'énergie explosive de Pilou. Dès qu'il a vu que Kiwi était libre de ses mouvements, il s'est mis à lui courir après dans l'appartement. Alors je devais, parfois brusquement, l'arracher à mon convalescent. Ce n'est pas qu'il ne connait pas sa force, c'est juste qu'il adore s'en servir. Mais Kiwi n'est pas en reste. Si il ne peut espérer rivaliser avec l'autre en terme de musculature et de densité osseuse, il s'en sort avec les attaques surprises. 

Un jour, je le vis arriver vers Pilou, il le prit par l'épaule en le léchouillant, c'était trop mignooooon sauf qu'en fait, il préparait une prise de judo ! Il a fait tomber Pilou au sol et ils ont commencé à se faire un match de Jiu-Jitsu. C'est dans ces moments que je dois me rappeler que je suis Big Daddy ici, et que c'est à moi de faire respecter l'ordre. Alors je prends Kiwi sous le bras et je le remets dans sa chambre. Il me fait savoir son mécontentement en faisant des petits bruits qui ressemblent à des "OoOh" "Nooaaannn"

Le soir, c'est sa deuxième pause. Il est trop content de sortir. Il me passe dans les jambes, c'est l'heure des calins. Je le laisse se frotter à ma main en ronronnant. C'est généralement dans ces moments qu'il faut faire face à la jalousie de Pilou. 

   "Je rêve ou plus personne ne me regarde ?"

En effet, quand mon gros chat orange me voit caresser le petit noireaud, on dirait qu'il pense que je ne l'aime plus. Alors il attends que Kiwi lui passe devant, et il lui fout une baffe ! Quand il veut juste jouer et qu'on les sépare, il s'enfuit en poussant des petits cris d'excitations : " nyaaaa ... ha-ha-h-h-ha !" mais dans ces moments là, quand je le gronde, il me regarde d'un sale oeil, l'air de me dire : " Quoi ? T'en veux une aussi ?"

Mais c'est dur pour eux. Des fois, ils grattent d'un coté et de l'autre de la porte, ils voudraient se dire bonjour. Enfin. Kiwi gratte. Pilou hurle son désespoir pour que tout le monde entende bien qu'il souffre. Parfois, tout va bien. Kiwi lèche le crâne de Pilou vigoureusement, et l'autre se laisse faire, bien qu'il ait horreur des marques d'affections. 

Quand je remets Kiwi dans sa chambre, il me lance un regard de reproche mêlé d'incompréhension. Je me justifie : " Mais Kiwi, c'est pour ton bien !" Alors il me tourne le dos, et je ferme la porte. Dans la grande pièce, Pilou me regarde, l'air de dire : Je ne savais pas qu'on était en CORÉE DU NORD ici !" Je m'attends un matin à le voir campé devant la porte de la chambre, avec une pancarte : "Libérez Kiwi !"  

À demain !