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Pollo Mundo
14 avril 2020

It's a good day to die - Journal de confinement 27

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Nous allons tous mourir. Dans pas longtemps pour certains, plus tard pour d'autres. On avait posé la question à Keynes, ce qu'il pensait de l'avenir sur le long terme : " In the long run we're all dead."

Je me promène dans cette vie, je pose les yeux sur des objets voués à disparaître. Je suis voué à disparaître aussi, et puis, un peu plus tard, à être oublié. 

La première fois que j'ai ressenti ce vertige terrifiant. Je devais avoir sept ou huit ans. J'étais dans mon lit, dans le noir complet, à hurler de terreur. Je pleurais sans m'arrêter, en criant : " J'ai peur de mourir !" dans l'obscurité. C'est terrible, mais c'est drôle aussi. Quand ça vous reprend, on a huit ans à nouveau. On est là, petits comme des fourmis, face à L'infini vortex spatiotemporel, à demander une rallonge, un second tour, un truc après. 

Le Ctuhllu interdimensionel qui contrôle cet univers ne nous entend même pas. Nous sommes pour lui ce que nos bactéries intestinales sont pour nous. Un concept, une abstraction. L'infiniment petit. L'infiniment à côté.

Les mythes modernes émergent déjà, nous imaginant rouages d'un jeu vidéo ultra-perfectionné. Nos civilisations, nos grands accomplissements, nos plus belles pensées, nos plus grandes preuves d'amour, une ligne de code dans une machine. 

Pourquoi pas après tout ? Il fut bien un temps où la terre était plate. 

L'entiereté de notre univers n'est peut-être qu'une cellule, quelque part dans un autre univers si vaste qu'il dépasse pour toujours notre compréhension. 

La Loi d'airain est la seule chose qu'on sache vraiment. Pourquoi ça ? Pourquoi ne sait-on que ce mur infranchissable ? Je n'ai pas de réponse.

Ce n'est pas uniquement l'apanage des humains, de comprendre le concept de mortalité. Quand un corbeau meurt mystérieusement, il n'est pas rare que se mette en place des "enquètes de corbeaux", ou plusieurs oiseaux vont scanner les environs, pour déterminer (parait-il) si il y a une menace à la survie des autres. 

Donc, tous les êtres du monde prennent leur survie très au sérieux. 

C'est encore plus terrifiant. Il faut bien se demander ce qu'il y a de si terrible derrière, pour que la vie dans son ensemble y aille à reculons. Pour paraphraser Marc-Aurèle :  "Pour celui qui s'est entraïné à voir les choses comme elles sont, la mort n'apparaît que comme une oeuvre de la nature, et qui craint l'oeuvre de la nature est un enfant." 

J'ai pourtant en moi, naturellement, une ligne de code essentielle : Survis à tout prix. Ne meurs pas, ne meurs surtout pas. Et pourtant, je vais mourir.

Nous allons tous mourir.

Quand Platon dit : "Philosopher, c'est aprendre à mourir." Il veut dire qu'à force de faire de la philosophie, vous finirez par vous souvenir que vous êtes une âme immortelle, incarnée dans un corps. Pour Platon, la mort n'était rien d'autre que la séparation de l'âme et du corps. Ça n'avait rien de terrible, pour l'âme. Pour le corps en revanche...

J'ai pensé à me tuer, par moments. J'y ai pensé avec une certaine avidité, avec la certitude absolue que cela mettrait fin à mes souffrances. J'ai remonté la pente, et maintenant j'ai peur de mourir. La mort est toujours là, derrière, à m'attendre. Dit comme ça, mon coeur se calme. C'est presque rassurant, cette présence discrète, attentive. Fidèle au poste.

Je ne m'y ferai jamais, je crois.

À demain.

 

 

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