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Pollo Mundo
6 janvier 2019

Boudha en déplacement

bouddha-gros-rit

Dans la voiture d'un vigneron, ancien banquier, ou pornographe, ou informaticien. Nous roulons sur l'autoroute, entourés d'arbres jaunes verts et rouge. Devant, son ami lui demande si il a eu de la grèle cette année. L'autre dit que oui, deux fois. Le 10 Juillet et le 31 Juillet. Le ciel, uniformément gris, forme une couverture donant aux arbres une teinte pastel et automnale. Nous passons par des zones commerciales désincarnées et de grandes routes bordées d'immeubles gris en forme de cubes. Ça ressemble à l'Allemagne. Les vignerons trouvent ça moche.

Je pars au Luxembourg faire déguster du Mas Amiel à une réception s'étalant sur deux soirs, dans une ancienne ferme munie d'un chai, réincarnée en salle de réception. Octobre 2017. Ça fait quatorze mois que je n'ai pas quitté Paris et que je n'ai pas pris de vacances. J'ai joué dans deux pièces pour enfants, de Septembre à Septembre, accumulant une centaine de dates. J'ai échoué sans surprise à rendre à temps mon mémoire de philosophie. J'ai accompagné une chanteuse à la guitare. Je me suis lancé dans le Théàtre et je ne voulais plus faire que ça. J'ai tenu mon couple à bout de bras, et tenu mes démons à distance, avec plus ou moins de bonheur. 

La veille de mon départ, je vais à la Comédie Saint-Michel pour jouer la dernière de nos cinquante dates. Je joue dans Le voyage de Margo Piano, une pièce d'éveil musical pour les enfants. Je bois une grande canette de Red Bull avant la représentation. J'ai mal au ventre. je vais trois fois aux toilettes avant de jouer. Je joue la pièce dans l'état fébrile d'un trentenaire qui a picolé la veille, avec un vague gout de sang dans la bouche. Je donne tout ce que j'ai. Je sue, je saute, je cours, je cris, je gesticule, je fais des grimaces. Les enfants adorent. les parents rient très fort. C'est la première fois qu'on nous applaudit autant. C'est une bonne dernière. 

Le lendemain, je prends un train à gare de l'Est. Il me fait transiter par Metz, ou je prends un autre train pour le Luxembourg. C'est la première fois que je pars en déplacement commercial. Je m'assois à ma place dans le train, et pose méticuleusement sur la petite table devant moi, un magazine, mon livre de Taisen Deshimaru : La pratique du Zen, et mon carnet de notes.Je suis satisfait de ma petite installation, alors je prends une photo Instagram. Périodiquement, pendant le trajet, je vérifie si j'ai des likes.

Je ne sais absolument rien de l'endroit où je vais, sinon que c'est une ferme, et qu'elle se situe dans une ville appelée Bertrange. Arrivé à la gare du Luxembours, je me renseigne pour m'y rendre. Dans le kiosque à journeaux, j'entends parler allemand.La réceptioniste m'envoie vers un genre de TER, je m'y installe. Me voilà donc en déplacement. je pourrais me faire à cette vie. je me dis qu'il faut que je remonte un groupe et qu'on parte en tournée. Je rêve d'un Bus tour, d'une vie de nomade entre la route et les hôtels. 

Arrivé sur place, aucune indication sur une quelconque ferme. , alors je erre dans la ville. Ça ressemble à Gif sur Yvette. Je me renseigne, mais personne n'a entendu parler d'une ferme dans les environs. Un vieux monsieur me dit qu'il connait, mais que j'en ai bien pour une demi heure de marche. Il faut sortir de la ville et marcher dans la campagne. Il me dit d'attendre. Il va m'y emmener dans sa cammionette. Je trouve ça drôlement gentil. Un peu trop gentil ? Malgré son âge, ce vieux est massif. Et si c'était un tueur en série ? J'envoie un SMS à Carine pour qu'au moins quelqu'un sache que je suis monté dans la cammionette d'un petit vieux. 

Rien de dangereux ne m'arrive. Quand nous arrivons à la ferme, je le remercie avec effusions.  Il sourit et me dit que ce n'est rien, et me fait un signe de la main quand il s'en va. Je m'en veux de l'avoir soupçonné d'être un Serial Killer.  

Le vigneron à droite de mon stand est un imposant corse, serviable et taiseux. Il s'appele Stephane Gentile. Quand je lui parle, je ne sais pas si il m'aime bien ou si je l'énerve. C'est peut-être un truc de Corse. Il me montre la chambre froide où sont entreposées mes bouteilles. J'ai un seau avec de l'eau et des glaçons dans un sac. Je vide les glaçons dans le seau, j'ouvre les bouteilles, et mets les blancs et les rosés dedans. 

Commence le bal des politesses. Les clients sont très bien. Ils parlent de vin avec passion et disent des choses très poétiques. Souvent, quand j'entends une description particulièrement inspirée, je m'en ressers, plus tard dans la soirée. un petit jeune d'une vingtaine d'année m'a décrit un blanc comme étant "vif et animal". Je lui ai piqué son expression. Elle a fait fureur. 

La soirée avance. Stéphane le corse a le menton levé quand il décrit aux curieux les cépages et les terroirs de son île. Il parle avec lenteur et précision. Nous sommes dans le même hôtel. Ils vont me ramener. Heureusement, sino j'étais bon pour rentrer à pied par la campagne, avec mon sac à dos plein à craquer et mes chaussures de ville que je ne mets jamais qui m'arrachent la peau des pieds.  

21h, la soirée se termine. Les invités s'en vont, et nous commençons à bous activer. Chacun range son étal et remet ses bouteilles de dégustation dans la chambre froide. Je vois Stephane partir avec Anne, sa commerciale. Merde, ils m'ont oublié ! Pris de panique, je range mon stand le plus vite possible et me précipite au parking. Ils se marrent en me voyant arriver en courrant. Il y a une soirée pour les vignerons, après la soirée officielle. Mais je ne le savais pas. 

Nous fumons une cigarette ensemble. C'est curieux d'être là, dans une vieille ferme luxembourgeoise, à deviser avec un vigneron corse dans la nuit hivernale. Anne est allemande. elle est masseuse professionelle et commerciale pour Stephane. Ils se connaissent depuis longtemps. Nous nous rendons dans une grande salle au rez-de-chaussée. 

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