Clarisse Larousse est seule au monde

J'étais parti pour rendre à Bizaroid ses chansons dans une petite enveloppe. Il m'attendait au Fluctuat nec Mergitur, un café sur la place de la république, à ciel ouvert derrière des vitres. Pour montrer qu'on a pas peur des terroristes ? Quand j'ai pénétré dans le café, je me suis dit qu'on était quand même drôlement exposés. Si un allumé décidait de kalasher le bar, ça ferait des dégats. 

Clarisse Larousse est une création de papier glacé. C'est une belle jeune femme, qui a des grosses lèvres rouges et juteuses, d'immenses yeux bleus et de longs cheveux noirs. Elle me regarde d'un air dont je ne saurais dire si il est triste, malicieux ou éteint. Sans doute les trois à la fois. 

J'ai aperçu Bizaroid en grande conversation avec une jolie brune au bar. Il ne m'avait pas vu. Moi j'ai vu son dos musclé et sec d'ancien militaire, ses cheveux longs de quadragénaire cool. Il buvait un café, comme à son habitude. La femme avec qui il parlait, que je voyais de face, m'a remarqué en premier. Elle a plongé son regard dans le mien et a semblé me reconnaitre. J'ai mis la main sur l'épaule de Bizaroid. Il s'est retourné et m'a présenté Caroline Lauzain. 

Caroline Lauzain a l'air impressionée par le C.V que Bizaroid lui donne de moi. "He's an actor, a musician and a writter. He writtes song and he also wrotte a book that's gonna come out this year" (oups) Moi aussi, vu comme ça, je suis impressionné. Ensuite, il m'explique que Caroline est une artiste et compositrice. Il me dit "You should play guitar in her band." et aussi "you should writte a critic about her art." nous discutons tous les trois. Le visage de Caroline me rappelle celui d'une amie de Sèvres dont j'étais à l'époque un peu en crush. Ça me trouble. Nous buvons du café. Le café se renverse sur l'enveloppe. Nous sommes en Octobre ou Novembre. L'année est 2017. 

Clarisse larousse est toujours seule. On ne voit jamais d'autres personnages qu'elle. Et à mesure que je tourne les pages du petit facicule que Caroline m'a donné, je commence à réaliser l'ampleur de la tristesse cachée dans ses yeux bleus. Elle est jeune, elle est belle, elle est riche, mais elle est est seule et triste. Caroline lauzain a créé ce personnage de Clarisse Larousse après la mort de son père, et toutes ces créations transpirent du concept d'absence. Derrière le voile des apparences, du luxe et des belles choses, on devine en toile de fond une détresse immense. 

Il me semblait que je n'avais strictement rien à dire sur Clarisse Larousse. je ne saisissais pas la portée symbolique de ce personnage imaginaire. Je ne voyais que l'apparat et le superficiel. Le regard bleu de Clarisse m'interpelait, mais je ne savais pas quoi en faire. Il me fallait attendre, laisser mariner.Et rencontrer l'artiste. 

Quelques mois plus tard, en hiver, j'ai pris un verre avec Caroline au Fluctuat nec Mergitur. Je me suis redit en entrant qu'on était quand même super exposé. Elle m'a parlé de ses projets artistique, de véganisme, elle m'a parlé de musique. Ses lèvres charnues et ses yeux immenses me faisaient quelque chose. Je me suis demandé si elle me laisserait coucher avec elle, puis j'ai chassé l'idée. Nous nous sommes quittés, je ne me sentais pas plus avancé pour mon article. 

Au fond si Clarisse Larousse est seule, c'est parce qu'elle ne parle pas. Si l'oeuvre évoque l'absence et sa souffrance, elle présente également cette solitude ontologique comme le corolaire et la conséquence d'une certaine lacheté sociale, de se fermer au monde, de ne pas aller vers les gens. Le regard de Clarisse est fermé. Vétue d'une armure de grande marque, elle est de tous les évenements, de tous les éléments. Elle se complait cependant dans une attitude sociale superficielle, sans interactions profondes. Au fond elle a peur des gens, et c'est pour ça qu'on ne voit jamais aucun autre personnage. Elle a peur de décevoir, peur d'être déçue, et ainsi, elle s'isole. 

Les semaines et les mois passant, il devenait de plus en plus clair que je n'écrirais probablement jamais cet article. Je ne savais pas quoi dire à Caroline, et Bizaroid commençait à m'en vouloir. Je lui avais posé un lapin un jour. Comme il n'avait pas confirmé notre rencontre, j'en ai profité pour me dire qu'on avait, tacitement, annulé. MAis Bizaroid est un mec à l'ancienne, un ancien militaire. Quand il dit quelque chose, il le fait. Alors que moi, jusqu'ici, dans ma vie, c'est plutôt tout le contraire. J'ai tendance à parler beaucoup et à agir peu. Si nous étions des personnages de One Piece, il serait Zoro, et je serais Usopp.

En Aout 2018, j'envoyais un message à Caroline Lauzain via Instagram pour lui dire que mon article sur Clarisse Larousse était presque prêt, et qu'il sortirait sur Pollo Mundo début Septembre. C'était un gros mensonge auquel je voulais croire. Elle ne m'a jamais répondu. Quelques jours plus tard, ou plus tôt, je ne sais plus, Bizaroid m'envoya un message pour me faire part de sa deception envers moi de ne l'avoir jamais rappelé et de n'avoir jamais écrit l'article. Deux choses que j'avais promises. Il terminait son message par "Oh dude it's not the way to live. Peace." puis il m'a unfollow, et je n'ai plus entendu parler, ni de lui, ni de Caroline. 

Par un après-midi d'Octobre, j'ai commencé à écrire cet article. Et je me suis dit qu'au fond, j'étais comme Clarisse larousse. Je me cache derrière une armure sociale. Je dis aux gens ce que je pense qu'il veulent entendre, je leur montre ce que j'assume qu'il veulent voir. Je me méfie d'eux, et même de ceux qui m'aiment. Au mieux je les évite, au pire je les repousse. Et si ça continue, je vais finir comme Clarisse larousse. 

je serai seul au monde.

Comments

[REDPANCAKE]

Histoire étrange, où l'on sent le vide, le désœuvrement, le tiède.

C'est une jeune femme égarée dans son inspiration.

Elle doute de tout et elle est pétrifiée.

C'est une histoire intéressante, qu'il faudrait développer.