Peut mieux faire - Journal de confinement 16

Qu'est-ce qu'on va écrire aujourd'hui ? Franchement je n'en ai aucune idée. Je suis là depuis deux, trois heures, face à mon écran d'ordinateur. Rien ne se passe. "Éssoré artistiquement" serait l'expression qui convient le mieux à mon état. Je reste comme ça devant mon clavier, une demi-heure, une video de Contrapoints en background. Je vais parler de la musique tiens. J'écris une phrase, une autre. Non c'est très mauvais. J'efface. Je ne peux pas écrire sur la musique. Je suis encore traumatisé. 

Alors je prends ma guitare. Je gratouille quelques accords. Maintenant, en musique de fond, on écoute We will rise again, de Dan Romer. Une chanson de folk du jeu Far Cry 5, un chef d'oeuvre à elle toute seule. Je check google pour les accords. mi mineur, sol, do. Klassik. Je commence à connaître les paroles à force d'écouter. Allez je la tente. Je ne trouve pas le rythme. Ma voix sonne faux. Ugh. La musique m'a abandonné. 

Mais non faut pas se dire ça. C'est pas une manière de travailler. Evidemment qu'au bout d'un essai tu ne la fais pas bien. Essaye encore. J'essaye encore. Ça m'ennuie un peu. J'abandonne, je passe à autre chose. Je change le capodastre de place et le mets à la troisième frette. Je joue des arpèges que j'ai composé, et dont la chanson traîne à s'écrire. Comme toutes mes chansons. La musique est "dormante" si cela vous dit quelque chose.

Je persévère un peu plus. Ma voix se décrasse. l'oxygènation m'aère le cerveau. Des paroles viennent. "Un jour j'aurai 18 ans... Un jour..." Eh c'est pas mal. Bon, une feuille, un stylo. L'erreur à ne pas commettre, faire confiance à sa mémoire. J'écris le premier couplet. Je le chante, deux, trois fois. Ça commence à rentrer. Je suis plutôt satisfait. Cependant ma voix manque de souffle et mes doigts de dexterité. Je n'ai plus l'endurance de l'instrument aussi. En jouer plus de cinq minutes concentré est devenu un vrai défi, physique et mental.

La musique demande une autre énergie, un autre engagement, que le dessin ou l'écriture. Avec le dessin et l'écriture, on peut s'en sortir en étant fort, mais la musique exige beaucoup plus pour attirer l'attention de qui que ce soit. Elle exige d'être fort, mais aussi plein de vitalié. Si je veux être un minimum satisfait avec ce que je chante, il faut que le temps entier d'une chanson, je déborde d'énergie vitale. Et cette capacité, les années, et le manque de travail allant, je ne la possède plus.

Je vois bien la réponse qui arrive au loin avec son air snob. C'est toujours la même. C'est la professeure de piano de Babar, qui lui explique qu'il faut "travailler, travailler, travailler, ET... Travailler." C'est mon grand-père, me courant après en me répetant : " Un travail acharné vient à bout de tout !" et même là au dessus de mon épaule, corrigeant mes fautes. C'est peut-être la sagesse qui vient. Avant, je discutais avec la réalité, je négociais : "Mais c'est pas juste ! Si ça allait mieux ! Si j'étais plus compétent ! moins sensible !  mieux entouré ! Et cetera !" Maintenant j'arrête de discuter. C'est le Tao la patronne, la Femelle Subtile. Moi j'execute. 

Tout ces carnets d'école avec marqués "peut mieux faire" Comme si j'allais tout donner en primaire ! Non mais ça va pas bien ? Qu'est que c'est que cette stratégie ? Evidemment que je pouvais mieux faire en primaire, vous aussi vous pouviez d'ailleurs, tout le monde pouvait. Elle est con cette apréciation.

Je me souviens d'une discussion avec mon frère : "Tu sais pourquoi les foules chantent toujours juste ? C'est grâce à la réverberation, en fait pour être précis, papipapou, toto titi, blabla bloublou trucs techniques, totototo, cours de physiques passés à dormir, doum doum doudoum, blablabli, et du coup c'est aussi pour ça qu'on chante mieux dans la salle de bain !"

Je suis allé dans la salle de bain avec ma guitare, et ça marche ! J'ai continué à travailler la musique, entre le bureau et la salle de bain, me promettant d'ajouter celle-ci à la liste des impondérables. Au bout d'une heure, je me suis dit que ça suffisait. J'ai posé ma guitare contre le mur à côté de moi, puis j'ai écrit cet article.

À demain ! 

PS : Pendant que j'écoutais cet article, j'écrivais cet album, à moins que ...